Kirikou A-Kili, de son vrai nom Youssufu Akbar Niyonkuru, est une des stars burundaises du moment, dans la musique urbaine. Ancien enfant de la rue, son témoignage vise selon les mots du natif de Ngozi à « fortifier les uns et conscientiser les autres »
Le soleil s’apprête à se coucher que l’on se présente à l’Avenue Mubarazi, au numéro 3, dans le quartier Mutanga Sud, en mairie de Bujumbura. Nous sommes au siège du label Bantu Bwoy.
L’accueil dans la cour est loin des clichés que nous vendent la télévision et les réseaux sociaux, d’une star à tempérament relevé, un jeunot qui serait devenu « bad boy » à force de fréquenter le monde impitoyable des adultes… Kirikou, chaînette au cou, en short de bonne entente avec le tricot annonçant « Je suis en mode relax », est souriant. Poli. Il tend les deux mains comme le souhaite la coutume burundaise en matière de salutations, nous invite vivement à pénétrer dans l’ «univers des talents», selon les propres mots du label Bantu Bwoy. Celui qui fut révélé par le titre « Washa » s’apprête à nous dévoiler l’autre face du fameux « petit protégé de Big Fizzo« .
« Un calvaire, jusqu’à ce que je croise Fizzo »
Natif de la province de Ngozi, Kirikou le rappeur ignore sa date de naissance. Renié par son géniteur, élevé par sa mère qui se mettra avec un autre homme qui, par la force des choses, deviendra son père adoptif. Les sévices que le jeune vit chez « cet homme » iront crescendo, jusqu’au jour la mère, tentant de protéger son fils tout en ménageant son mari, est sommé par ce dernier de choisir entre les deux hommes: « Pour éviter ce choix horrible à ma mère, qui s’occupait déjà de ma petite sœur et n’avait aucune source de revenus, j’ai décidé de quitter la maison de mon plein gré pour sauver et ma petite sœur et ma mère ».
Le voilà dans la rue: « Je connus des jours pénibles où je devais me trouver à manger et aller suivre les cours. Deux choses complètement incompatibles». Obligé de devoir se sevrer prématurément de ses droits auxquels il devait bénéficier comme tout autre enfant, des habitudes malsaines exposant sa santé se sont installées. Parmi elles, inhaler du pétrole, afin de « mieux se sentir dans la tête ». Kirikou se rappelle que « pour gagner de l’argent, je devais faire des freestyles à la station Engen de Ngozi, où de généreux passants me laissaient quelques sous qui assuraient mes besoins ».
Le retour en classe
Tout calvaire ayant une fin, la sienne arriva: « Un beau jour, lors d’un de mes milliers de freestyles, le rappeur T-Max me vit et me promis de revenir et de me faire monter sur scène à ses côtés. Il me laissa son numéro pour l’appeler le jour du show ». Voilà que le concert arrive, que Kirikou monte sur scène avec T-Max, et comme le destin ne fait jamais les choses à moitié, Big Fizzo se trouve sur le même plancher: « Épaté par mon talent, il me promit de m’aider. Ce ne sera pas le studio, sois juste patient, me dit-il ».
Le monde étant petit, voilà que les deux se rencontrent de nouveau à Bujumbura: « Il s’est rappelé de sa promesse et, dès ce jour, je perdais le statut d’enfant de la rue que je ne regrette aucunement » lâche-t-il avec un grand sourire.
Aujourd’hui, Kirikou aspire à aider les autres enfants. Mais avant, il faut des bases pour pouvoir venir en aide aux autres. En 9e année au lycée du Lac Tanganyika, la star fait savoir qu’il concile études et musique mais que chaque chose a son temps: « Je remercie l’Éternel pour tous ses bienfaits envers moi et principalement pour le fait que j’ai retrouvé le chemin de l’école en lui demandant de m’aider à concrétiser mon rêve de devenir médecin » confie-t-il. Avant d’ajouter: « Eh oui, que cela ne vous étonne pas, les enfants de la rue ont aussi des rêves. Aidez-les, financez-les, donnez leur une famille et vous serez surpris du résultat. Moi-même je suis surpris de ce qui m’est arrivé ».
Un portrait rédigé par Niyo Pe Ngendakumana dans le cadre du stage au sein du Magazine Jimbere comme un ancien du programme « Enfants journalistes » de l’UNICEF Burundi.