Des promesses d’approvisionnement en attente, un prix qui reste inchangé depuis… La carence de l’or noir continue à causer des problèmes et c’est la population qui en pâtit.
Chaque jour, les conducteurs de véhicules automobiles ont rendez-vous sur les stations-service. Objectif : s’approvisionner en quantités de carburant limitées selon les quotas prescrits par l’application Igitoro Pass.
Derrière des files d’attente quasi quotidiennes, se cachent une réalité troublante que vivent les consommateurs du carburant. L’or noir demeure une denrée rare, et il est presque impossible de faire le plein. « Je passe la plupart du temps sur les stations-service, et je ne réussis plus à travailler convenablement. C’est tellement pénible de vivre une telle situation », confie André*, un conducteur de véhicules assurant le transport en commun rencontré en plein centre-ville de Bujumbura.
Bien plus, souligne Égide*, conducteur d’un taxi, parfois la distribution des produits pétroliers est caractérisée par le favoritisme et le népotisme : « C’est quand même frustrant de voir certains véhicules s’approvisionner alors qu’on a passé une journée voire même deux sur la file d’attente. Le non-respect l’ordre d’arrivée quand il s’agit de distribuer le carburant nous choque souvent, et suscite des malentendus.»
A l’intérieur du pays, c’est pire !
Au sud du pays, précisément dans la ville de Rumonge, les stations-services sont à secs. Les citadins témoignent que cette localité peut passer un mois sans une goutte de carburant sur les neuf stations-service que comptent la ville : « Il y a deux semaines qu’on nous a approvisionné en carburant. Nous avons eu 10 000 litres d’essence et 10 000 litres de mazout. Néanmoins, nous pouvons même passer trois semaines voire un mois sans être servi », révèle un propriétaire d’une station-service, qui a requis l’anonymat.
Pour certains conducteurs des véhicules et des motos assurant le transport en commun à Rumonge, la situation est alarmante. Selon eux, même s’il arrive que les stations soient approvisionnées, ceux qui parviennent à corrompre les pompistes sont les plus privilégiés : « Même si le carburant arrive, nous sommes mal servis. Nous demandons aux autorités d’agir pour que le carburant soit distribué dans l’équité, car pour continuer à exercer notre métier, nous sommes obligés d’acheter le carburant au marché noir, et cela nous coûte cher », souligne Jacques*, conducteur d’une moto, dans la ville de Rumonge.
Contacté à ce sujet, l’administration provinciale nous a indiqué que, depuis la mise en place de l’application Igitoro Pass, la supervision de la distribution du carburant est assurée par la police et les agents de la Sopebu.
Cette situation est presque similaire en commune Nyanza-Lac de la province Makamba. Selon les conducteurs de véhicules de transport rencontrés au parking situé au chef-lieu de ladite commune, la pénurie du carburant persiste et entraîne la perturbation de leurs activités quotidiennes. « Il y a plus d’un mois que les stations-services ne fonctionnent pas à cause du manque de carburant. Pour ne pas suspendre nos activités, certains chauffeurs sont obligés de traverser la frontière pour aller s’approvisionner difficilement à Kigoma, bien que ce soit plus cher en raison de la dévaluation de la monnaie burundaise », se lamente Jules*, un automobiliste croisé sur le chef-lieu de la commune Nyanza-Lac.
Toutefois, à Ruyigi, s’observe un léger mieux quant à la distribution du carburant. Malgré une pénurie des produits pétroliers, certains conducteurs de véhicules assurant le transport en commun affirment que la distribution du carburant dans cette province se déroule normalement. Cependant, ils font savoir que la pénurie du carburant est une réalité et plaident pour une solution durable à cette situation. « Avec la mise en place de l’application Igitoro Pass, la situation a petit à petit changé. Depuis ces derniers jours, les cas de spéculation dans la distribution du carburant ont diminué car tout le monde est approvisionné selon les quotas prescrits dans le système », apprécie Jeanne d’Arc*, habitant le centre-ville Ruyigi.
La société civile tire la sonnette d’alarme

Pour Gabriel Rufyiri, représentant légal de l’Olucome, le gouvernement devrait mettre en place une commission d’experts indépendants sur la problématique du carburant au Burundi, dans l’objectif de mieux connaître que les opérateurs dans ce secteur travaillent pour l’intérêt national. Mr Rufyiri trouve que cette pénurie aux graves conséquences s’aggrave du jour au lendemain. Selon lui, il est clair qu’il y a deux principaux défis qui doivent être relevés. Le premier défi, poursuit-t-il, c’est le défi lié à la gouvernance surtout la gestion de la petite quantité de carburant que le pays dispose : « Il est extrêmement important d’être rigoureux, surtout pour un produit sensible. Il faut d’abord commencer à servir du carburant les véhicules de sécurité, les administratifs qui travaillent le domaine de la santé, mais aussi des véhicules assurant le transport en commun et le transport des marchandises », pointe-t-il.
En outre, insiste Mr Rufyiri, il faut une mise en place d’une commission indépendante qui pourrait aussi aider à rationaliser le peu de produits pétroliers que nous disposons. « La deuxième chose, c’est pour chercher des mesures à long terme. Je le conseillerais de mettre en place une commission d’experts indépendants qui va d’abord analyser en profondeur les causes profondes, même si elles sont connues, c’est mieux que ça soit mis dans un rapport officiel. En deuxième lieu, cette commission doit dresser des solutions à court, moyen terme et long terme avec vraiment des indicateurs objectivement vérifiables pour arriver aux résultats escomptés. »
D’après l’association burundaise des consommateurs (Abuco), le gouvernement doit prendre toutes les mesures qui s’imposent pour permettre l’approvisionnement du pays en carburant : « Quand on voit dans les pays qui sont autour de nous, le produit est disponible et il n’est pas vraiment compréhensible que ce produit manque cruellement ici chez nous. Donc tout devrait être mis en oeuvre pour permettre un approvisionnement régulier. Sinon, toutes les autres mesures qui vont être prises sans que l’approvisionnement soit régulier et le produit suffisant, échoueront comme nous le constatons jusqu’au jour d’aujourd’hui », indique Pierre Nduwayo, président de l’Abuco.
Et de renchérir : « Malgré le changement des autorités au niveau de la Sopebu, nous avons constaté que le problème est resté le même. C’est une incohérence et elle est justement due à la pénurie généralisée des produits pétroliers, ce qui fait que même le changement des autorités à la tête de la Sopebu n’a jamais donné de répit aux consommateurs. »
La meilleure solution, conclut-il, serait de résoudre la problématique liée à l’approvisionnement du pays en carburant. Sinon, toute autorité qui sera chargée de la distribution d’une quantité très infime comme celle-là sera toujours confrontée à des problèmes vu que le carburant est un produit stratégique qui est demandé par tout le monde : « Il sera vraiment très difficile d’assurer une distribution efficace dans une situation de pénurie généralisée comme celle-ci. »
Contacté à ce sujet, le directeur général de la société pétrolière du Burundi, Sopebu, nous a indiqué qu’il est trop pris pour le moment et a promis de s’exprimer à ce sujet dans nos éditions ultérieures.
La baisse du prix du baril et du pétrole brut s’observe sur le marché mondial depuis le mois de janvier 2025. Jusqu’au début de la semaine du 26 mai 2025, le baril avait déjà connu une baisse de 22%. Mais au Burundi, malgré cette baisse, les prix du carburant n’ont pas encore changé.
Le prix du baril ayant actuellement chuté de 82 à 64 dollars américains depuis le mois de janvier de l’année en cours. Comme nous le montre le site prixdubaril.com, les cours du pétrole brut du mois de janvier 2025 montrent que le prix du baril sur le marché mondial est passé de 82 dollars à 78.5 dollars américains. Au mois de février, ces cours du pétrole brut montrent que le prix du baril est passé de 77 à 75 dollars américains.
Au mois de mars, le prix du baril est passé de 71.6 à 70.5 dollars américains. Ce même site montre qu’au mois d’avril de cette même année, le baril est passé de 70 à 67 dollars américains. C’est au moment où pendant cette dernière semaine du mois de mai, le prix d’un baril de pétrole s’achète à 64.2 dollars américains.
Ces cours du pétrole brut depuis le mois de janvier 2025 jusqu’à la dernière semaine du mois de mai ont connu une tendance baissière, soit une chute de 22%. Même si cette baisse du prix du baril se fait sentir au marché mondial depuis le mois de janvier 2025, au Burundi, le prix reste de 4.000 francs burundais pour le litre d’essence et 3.925 francs burundais pour le litre de gazole. La dernière baisse date de février 2024.
Un litre d’essence super est passé de 4.350 à 4.000 BIF. Le prix du mazout est passé de 4.235 à 3.925 francs BIF/litre. Et celui du pétrole est passé de 4.250 à 3.905 BIF/ litre, soit une baisse variant entre 310 et 350 BIF/litre.
Cette baisse est due à la diminution des coûts de transport des hydrocarbures, notamment par bateau, depuis la raffinerie vers le port de Dar Es Salaam en Tanzanie.
Réaction de Paul Ndarihonyoye, porte-parole du ministère de l’Energie et des Mines
C’est vrai que le cours du baril des produits pétroliers a subi, durant ces derniers mois, des variations, et des fois la baisse. La tendance à la baisse du baril, à lui seule, ne peut pas justifier une baisse des prix des produits pétroliers sur le marché national, puisqu’il y a d’autres éléments qui entrent dans la structure de ces prix.
Il y a aussi d’autres facteurs exogènes, comme le cours du dollar sur le marché de change, l’état de la sécurité régionale et internationale qui influence les échanges. En revenant sur les variations des mois passés, on constate que le baril des produits pétroliers a subi une hausse entre janvier et février de l’an 2025, en atteignant un pic de 88 $. Il est ensuite redescendu sur la période de février à mars jusqu’à 69 $, avant de remonter entre mars et avril pour atteindre 75 $. Entre avril et mai, le baril est de nouveau à la baisse. Donc, vous voyez que nous observons des fluctuations du baril, tantôt à la hausse, tantôt à la baisse.
Donc, le gouvernement ne peut pas décider une baisse des prix des produits pétroliers sur le marché national tant que la baisse n’est pas prolongée. En plus, si nous revenons sur la période allant d’avril à mai, il faut savoir que malgré cette baisse du baril, nous constatons une appréciation des devises étrangères, comme l’euro et le dollar, ce qui constitue un facteur défavorable à la baisse des produits pétroliers. Le gouvernement a donc préféré garder des prix inchangés à la pompe.
Donc, l’important, c’est que ces produits soient disponibles. C’est-à-dire que ce qui est à la satisfaction du gouvernement, c’est de rendre disponibles les produits pétroliers et que tout ceux qui en ont besoin, s’en procure sans difficulté.




