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Voici les raisons qui poussent plus la femme (rurale) au crédit solidaire que l’homme

Mars dernier, Jimbere publiait quelques chiffres sur l’inclusion financière au sud du Burundi :  en 2019, sur les 20.933 bénéficiaires de crédits solidaires dans les COOPEC des provinces Makamba, Bururi et Rutana, 52% sont des femmes. Fait un peu surprenant étant donné que les femmes accèdent au crédit moins que les hommes, selon les statistiques nationales …

Apollinaire Manirakiza, directeur du département de Finance rural à la Fenacobu (Fédération nationale des COOPEC du Burundi), éclaircit sur ce constat particulier : « En termes d’effectif ou de montant de crédits, le constat général est que les hommes sont mieux servis que les femmes, car ceux-ci avec plus d’activités génératrices de revenus, ou plus de biens, culturellement l’homme ayant plus de pouvoir sur la richesse de la famille que la femme, sont plus solvables. Voyez par vous-mêmes, sur la même période, l’antenne régionale des COOPEC au sud du Burundi indique que les crédits individuels ont été plus orientés chez les hommes : sur plus de 23.000 clients, seuls 23% sont des femmes. Par contre, les crédits solidaires qui sont de petits montants, attirent la demande de la couche de la population à faible revenu, dominée alors par les femmes. Ces crédits octroyés en associations n’exigent pas de garanties bancaires, mais à la place, une caution de solidarité entre membres d’un groupe de crédit. Par exemple, il est rare qu’un homme puisse demander un prêt de 50.000 Fbu pour vendre des tomates … Voilà, le gros de notre clientèle pour ce type de crédit. »

Performance du crédit solidaire …

« Au sein de la Fenacobu, nous avons remarqué un certain engouement pour ce crédit lancé en 2018. Pour ce, nous avons même engagé des agents de crédits qui s’occupent exclusivement de ce type de crédit car sa performance dépend avant tout du système d’octroi et de recouvrement : l’agent doit être proche des groupes de crédits, s’assurer de la solidarité des membres du groupe, de l’utilisation efficiente du crédit, etc. », ajoute Manirakiza.

Désiré Iraboneye, agent de crédit solidaire dans la province Makamba rencontré lors de ses visites journalières parmi les membres des GCS (Groupes de crédits solidaires), explique son travail : « Depuis 2018, nous avons développé presque sur toutes collines de la province une centaine de GCS, de 5 à 10 personnes. Pour garantir leur résilience, avant d’accorder les prêts, nous organisons des ateliers de formation de 6 à 8 semaines sur quelques notions relatives à l’éducation financière. Ces derniers visent également à évaluer la détermination des membres du groupe. Les femmes sont plus patientes que les hommes. Et pour éviter que le groupe se disloque au premier souci ou défis, les membres du groupe ne peuvent pas être des conjoints ou des parents au premier degré. » 

Léonie Nininahazwe est l’une des bénéficiaires du crédit solidaire à Makamba : « Notre GSC est constitué de 7 membres, 5 femmes et 2 hommes. Nous avons reçu le premier crédit de 350.000 Fbu, à raison de 50.000 Fbu chacun, en mai 2018. La COOPEC nous a accordés le mois de juin pour se préparer, ce n’est qu’en juillet 2018 que nous avons commencé à payer les mensualités de 10.900 Fbu. J’ai commencé par le petit commerce des tomates. Je gagnais 5.000 Fbu tous les 3 jours. Aujourd’hui, avec le second cycle, je produits et vends également la bière de banane. C’est entre 3.000 et 4.000 Fbu de gain par jour. »

Léonie Ininahazwe, bénéficiaire du crédit solidaire à Makamba, en compagnie de Désiré Iraboneye, agent de crédit à la COOPEC

L’objectif de la COOPEC avec le crédit solidaire c’est notamment de rendre autonome les clients bénéficiaires : « Lors des 2 premiers cycles (un an), chaque membre du GSC reçoit 50.000 Fbu remboursable en 6 mois. En tout, il paie un intérêt de 4.500 Fbu, par cycle. Lors du troisième et quatrième cycle (un an), le crédit par membre se porte à 100.000 Fbu, et la mensualité à 21.800 Fbu. Après, ils sont appelés à ouvrir des comptes à la COOPEC et bénéficier des autres types de crédits », souligne Manirakiza, avant d’indiquer que les services de son département élaborent les statistiques de la performance du crédit au niveau de tous les COOPEC.

Au niveau national, selon le dernier rapport de la BRB sur l’offre des produits et services financiers formels, la répartition des crédits, par sexe, montre que les femmes accèdent au crédit moins que les hommes, tant individuellement qu’en associations : en 2018, respectivement, les hommes ont détenu 77,19 % et 58,08 % de l’effectif des comptes de crédit. Un important écart est également noté en matière d’encours des crédits :  les hommes avec 77,96 % des parts pour les clients individuels et 86,42 % pour ceux des membres d’associations. Espérons que la Banque d’investissement et de développement pour les femmes (BIDF) bientôt en place fera améliorer les choses …

Dans le cadre du projet « Tuyage » financé par l’USAID, le Magazine Jimbere s’associe avec Search For Common Ground au Burundi (partenaire de mise en œuvre du projet) dans la production d’une série d’articles économiques.

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