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Société

Création de bouc émissaire, une meilleure façon d’embrigader la société

Ne pas assumer ses échecs en créant des boucs émissaires conduit à une marche sur place voire une régression, estime Evariste Ngayimpenda, historien et professeur d’Universités. Et l’unique façon d’avancer, suggère-t-il, est de mettre à contribution tout le monde et de discuter sur les questions essentielles.

Qu’est ce qui explique un échec ?

Les échecs dans la vie des hommes, dans la vie des couples mais aussi dans la vie des nations ou des Etats, ça existe. En général, il y a principalement deux sources d’échecs. On peut échouer parce qu’en réalité, avant d’entreprendre, on a fait ce qu’on appelle une mauvaise évaluation ex ante c’est-à-dire qu’on a mal évalué l’ampleur du travail en termes des moyens qu’il faut mobiliser, que ce soit les ressources humaines, que ce soit les ressources matérielles, financières ou le temps qu’il faut y mettre. Eh bien, lorsque vous avez fait une mauvaise évaluation, il est clair que vous allez échouer. Vous allez échouer soit en conduisant mal le travail que vous aviez à faire ou soit en arrivant pas à bout. Ça c’est la première source je dirais. La seconde explication de l’échec c’est lorsque vous entreprenez sans volonté réelle, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de conviction et donc vous faussez très délibérément le jeu en termes de tout ce qui constitue au processus.

Justement dans ce processus à quel moment on jette le tort à autrui ?

Tout naturellement quand cela devient flagrant, vous devez trouver des boucs émissaires. Vous devez en fait trouver des justifications et dans ces justifications, vous n’allez  jamais vous remettre en cause. Vous jetez le tort sur les autres. Sinon vous quand vous êtes honnêtes avec vous-mêmes, il y a plusieurs façons d’évaluer les situations, d’évaluer la mise en œuvre des projets, et on sait dire voilà nous avons loupé à tel ou tel autre niveau, nous avons mal évalué les ressources nécessaires, les risques du terrain et là vous vous engagez à redresser. Sinon quand ce n’est pas le cas, c’est qu’effectivement l’échec était connu dès le départ et le bouc émissaire était préparé dès le départ.

Peut-on justifier un échec sans accuser les autres?

Bien sûr qu’on peut justifier un échec sans accuser les autres, parce qu’encore une fois je l’ai dit, l’échec est humain. Lorsque vous devez justifier votre échec par la mise en accusation des autres c’est-à-dire par ce qu’on appelle la création des boucs émissaires, eh bien c’est la meilleure façon d’étaler d’abord votre incapacité et c’est surtout la meilleure façon d’étaler votre mauvaise foi et c’est également la meilleure façon d’embrigader la société, d’embrigader votre pays, parce qu’en toute circonstance il y a moyens de trouver des boucs émissaires, surtout quand vous ne voulez rien entreprendre ou quand vous n’êtes capables d’entreprendre quoique ce soit.

Evariste Ngayimpenda, historien et professeur d’Universités

A quoi peut donc aboutir cette façon de faire ?

C’est d’ailleurs cette posture qui empêche beaucoup de sociétés d’avancer, qui se rejettent toujours les responsabilités. Personnellement, il y a des mots que j’entends de temps en temps de la part de certains responsables et que je ne partage pas. On va vous dire par exemple que l’Etat c’est tout le monde, que le gouvernement c’est tout le monde. Ce n’est pas vrai. Le pays nous appartient tous et il appartient à chacun d’apporter sa pierre. Mais  les niveaux de responsabilité sont assez différents.    Une impulsion qui viendrait de toi en tant que journaliste ou de moi-même comme professeur, même recteur, quand bien même je serais recteur de l’université la plus grande du pays, elle est très différente d’une impulsion qui viendrait d’un ministre, qui viendrait d’un grand chef d’entreprise, et à plus forte raison du Président de la République. Il est clair que si on veut tirer le pays vers le haut, eh bien il y en a qui doivent s’impliquer plus que d’autres. Il y en a dont l’implication produira plus d’effets que d’autres.

Quelles sont les conséquences auxquelles on s’expose dans ce genre de situations ?

C’est qu’on va tout simplement se condamner à marcher sur place, voire à une marche arrière. Dans tous les pays du monde, il y a des difficultés. Mais malgré l’existence de ces difficultés, les pays arrivent quand même à avancer. Et donc souvent on ramasse ce genre d’explications et dans ce genre de situations évidemment comme je le disais on se condamne à une marche sur place voire à une régression.

Alors quelle est la voie de solution ?

Il y a un slogan qu’on aime mettre à l’honneur et auquel personnellement je crois « Ensemble on peut rebâtir le pays », ensemble on peut développer le pays. Mais il faut que cela ne soit pas qu’un slogan, il faut effectivement mettre en confiance tout le monde, il faut mettre à contribution tout le monde, il faut créer de l’espace pour tout le monde et montrer la bonne direction. Et la bonne direction, elle se discute ; la bonne direction, on en fait pas un tabou, on en fait pas un secret parce qu’à partir du moment où on doit partager le destin, on devrait quand même regarder dans la même direction pour, je dirais, les questions essentielles. C’est l’unique façon d’avancer.

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