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Burundi : le slip dans tous ses états

D’aucuns pensent que le slip est un article indispensable, porté par tous, au Burundi comme ailleurs. En réalité, l’enquête menée par Jimbere montre que les perceptions diffèrent selon les genres, les régions, les milieux et les moyens. Ainsi, le manque de sous-vêtement se fait le plus sentir en milieux urbains, dans les établissements éducatifs surtout. Ailleurs, dans les collines, c’est un produit de luxe. Pourtant, il permet aux filles et femmes surtout de vivre leur intimité dans toute leur dignité. Un détail social anodin qui nous raconte autrement l’état de la société burundaise …

« Si ma femme me voyait porter ça, elle demanderait illico le divorce ! », tranche Vianney, un porteur rencontré dans une gargote au centre de Kayanza. Assis avec trois de ses amis, ce jeune marié, la trentaine, fustige le slip de toutes ses forces : « Cela atrophie les attributs masculins, un handicap majeur quand on veut bien remplir son devoir conjugal ».
Dans ce quatuor de portefaix, Jean Marie, le benjamin, est le seul à avouer porter un vêtement d’en dessous. Sous les moqueries intenses de ses amis, le jeune homme finira par se lever et aller s’isoler au petit coin. De retour, il déclarera fièrement « Bye bye slip », sous les applaudissements hilares du reste du groupe.

Autre région, autre réalité. Kévin étudie en 2nde scientifique au Lycée Étoiles des montagnes d’Ijenda. Pour lui, il est hors de question de sortir sans rien porter en dessous. « Imagine ton attirail qui se balade un peu partout pendant les séances d’éducation physique », s’interroge-t-il, angoissé. À trois dans une salle de classe, les garçons font face à une quarantaine de jeunes filles. « On doit faire très attention pour ne pas désobliger nos camarades de classe féminins», fait savoir Kévin. Pour ce jeune homme, « une vie sans slip serait l’enfer. »

Un enfer auquel a dû s’accoutumer Omer, jeune mendiant épileptique rencontré à Rubaho, au centre de Kayanza. Malgré son langage salace et une langue bien pendue, il lui est d’abord difficile d’aborder le sujet. Mais il finira par confier que faute de moyens, il n’a pas de sous-vêtements et que c’est un handicap dans travail. « Il y en a des choses qui ne se cachent pas, même pour un invalide», fait-il observer, contrit. Comme quoi, le slip serait la meilleure façon pour camoufler une érection inappropriée.

Le slip et les clichés

« C’est abusif quand on dit que les jeunes de nos quartiers ne portent pas de slip », s’insurge Amissi, de Buyenzi, dans la Mairie de Bujumbura. Il est rejoint dans sa position par Mahmoud, qui nuance tout de même : « C’est vrai, on rencontrera beaucoup de jeunes qui ne portent pas de slip dans nos quartiers, mais chacun a ses propres raisons. »

Et quand on parle de raisons, il y en a pléthore. « Les slips sont gênants, les slips déforment les appareils génitaux masculins, les slips nous font perdre du temps quand on se prépare à faire des rapports sexuels, etc… », tels sont quelques-uns des arguments avancés.

Si certains arrivent à parler ouvertement de slips, d’autres abordent ce sujet avec des réserves. Yannick, un jeune de Rohero, dira, avec pleins de détours, que les sujets intimes devraient le rester, mais que quand même porter un slip, cela va de soi.

Et des fois, le slip s’impose comme vêtement de mode, qui doit être exhibé. Ce qui le rend tout simplement indispensable. Landry, un jeune de Kanyosha, adule le pocket-down. « Tu comprends qu’avec cette façon de s’habiller, ne pas porter un slip est tout simplement hors de question», conclut-il.

L'assassin du boxer« Boxer », l’assassin du slip « antique »

Dans la plupart des commerces et des stands visités, les slips masculins de forme triangulaire ont presque disparu. Au petit marché atypique d’Ijenda, ils sont deux marchands à vendre des articles intimes. Le premier a épuisé son stock, tandis que le second, Marc, possède encore quelques boxers. « Les slips archaïques ne trouvent plus de clients, et même  ceux qui n’arrivent pas à se payer un slip décent préfèrent porter des shorts sous leurs habits », fait savoir le marchand.

Même cas au marché de Mukoro à Kayanza. Les ballots d’habits débarquent les jours de mardi et vendredi, et les quelques boxers se trouvant à l’intérieur sont raflés en quelques heures, tandis que les slips ancien modèle sont cédés pour moins que rien.

Selon certaines personnes, ces slips portaient en eux-mêmes une raison de ne pas les porter. « Tu me vois mettre un sous-vêtement de la même forme que celui ma sœur? », s’exclame Mahmoud, à la vue d’un slip antique.

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Plusieurs femmes ne sont pas portées sur le slip

Plusieurs femmes ne sont pas portees sur le slipEn milieu rural, le fait de porter une petite culotte est facultatif chez les petites filles des familles modestes ou pauvres. Le port d’un slip est souvent lié à un événement social ou religieux (baptême, communion, mariage…). C’est à la puberté que les parents daignent en acheter à leurs filles. «Le jour où j’ai eu mes premières règles, ma mère m’en a acheté trois», avoue Irakoze Nadia d’Ijenda. « Ces sous-vêtements demandent une certaine hygiène que les petites ne peuvent pas faire», reconnaît une mère de famille rencontrée dans cette localité. Or, préoccupées par les travaux champêtres et ménagers, les parents n’ont pas le temps de vérifier si c’est toujours propre. C’est à la puberté qu’on achète les premières petites culottes aux filles puisqu’elles facilitent le port de serviettes hygiéniques. Les parents estiment que leurs filles sont assez majeures pour s’occuper de leur hygiène intime.

Emmanuela Nibaruta, octogénaire de la commune de Matongo en province de Kayanza, estime que le port du slip n’a aucune importance du fait que même les aïeules n’en portaient jamais. Elle parle d’une influence étrangère: «Les femmes se couvrent suffisamment avec leurs pagnes, alors pourquoi en rajouter ?». Pour elle, c’est un habit à la mode, qu’on ne devrait pas considérer comme indispensable.

La perception du port varie selon qu’on est en milieu rural, semi-rural ou urbain. Une jeune femme de 25 ans de la commune de Bubanza indique que le port est important du fait qu’à la veille de l’union d’un jeune couple, le futur mari offre à sa promise un slip en plus d’un parapluie et d’un pagne.

D’ailleurs certaines des femmes rencontrées à Jenda, Kayanza et Bubanza, avouent que ces sous-vêtements font partie intégrante des effets du quotidien bien que le nombre, souvent réduit (3 ou 6), varie selon les moyens de chacune.

D’autres avouent qu’elles ne portent pas de slip chaque jour, ou carrément pas. C’est le cas de Véronique : «Une femme n’est pas sensée porter un slip chaque jour. Cela provoque des infections vaginales. Surtout quand on ne prend pas le soin de bien le laver et le sécher au soleil.»

Hafsa, une jeune femme de Buyenzi, a décidé de ne plus porter de slip pour pouvoir mettre en valeur son corps. « Le sous-vêtement te comprime les fesses, alors que les hommes aiment voir une croupe bien en chair. », fait-elle savoir. Pour ces femmes, une femme ne devrait porter de slip que lors des menstruations.

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