« Selon que l’on est de sexe masculin ou féminin, acheter un slip vous paraîtra facile ou pas. » A Bujumbura, il faut se rendre au marché pour comprendre cette fable vestimentaire.
Pour les femmes, s’essayer le sous-vêtement est quelque chose de relativement simple, de naturel. On l’achète comme on passe chercher les bananes plantain du weekend, ou ces boucles d’oreille qui vont accompagner la robe fuchsia au mariage de telle amie.
Pour les hommes, c’est une toute autre histoire. Que ce soit à Kinama, au marché de Buyenzi ou dans les galeries du centre-ville, la description est la même. Les mecs arrivent en catimini, allusifs, restent très peu de temps, juste le nécessaire pour être sûr de la taille et de la couleur du boxer, puis repartent, la chose soigneusement emballée, cachée. Là où les filles n’hésitent pas à aller en groupe pour que le choix du petit tissu soit des plus pertinents, les garçons sont généralement solitaires. Et même à deux, l’un achète, l’autre guette : scène de larcin. La gêne est tellement répandue, vive, que plusieurs hommes préfèrent finalement se faire acheter les sous-vêtements par la copine, l’épouse ou la maman.
Une pudeur soudaine ? Non, au regard de l’idée que se fait l’homme burundais de lui-même. Dans une société où le paraître pèse si fort, s’imaginer être vu en train de s’essayer au caleçon est simplement hors-sujet pour les Burundais. Habit de l’intime, le slip ne saurait que rester dans la sphère du « non-vu » pour l’homme, là où il n’est manipulé que par les femmes et les vendeurs, deux catégories sociales « au service de l’autre ». La manipulation d’un bien en public requérant une forme d’estime pour le bien en question, la répulsion à tâter du slip à l’étal signale finalement le discret machisme burundais.