Plus d’un vous dira que la surpopulation est le problème majeur de la province Kayanza. Ce qui n’est pas faux, d’ailleurs. Mais cette prise de position globale pourrait laisser d’autres maux inaperçus.
La jeunesse n’y échappe pas. Astère Hakizimana, un des responsables du Réseau des Organisations des jeunes en Action (REJA) explique pourquoi: «Ici à Muhanga, il y a un fléau qui fait des ravages à savoir les grossesses dans le milieu scolaire. Je ne me hasarderais pas avec des statistiques, toutefois, c’est une réalité qui mine nos jeunes», se désole-t-il.
Adelin Batururimi, son camarade du réseau le complète : «Ce qui est inquiétant c’est que dans certains cas, ces jeunes filles sont engrossées par leurs éducateurs. Le cas n’est pas moins grave lorsque l’auteur de la grossesse est un pauvre adolescent qui lui-même ne parvient pas à satisfaire ses besoins financiers les plus élémentaires».
Mais en plus de ce problème lié aux grossesses non désirées dont sont victimes les jeunes filles scolarisées, il y a le chômage qui, lui, est le dénominateur commun d’une grande partie de la jeunesse. Avec la multiplication des établissements scolaires qui alimentent année après année l’effectif des demandeurs d’emploi, les jeunes au chômage deviennent de plus en plus nombreux à Muhanga. Un phénomène qu’Epitace Nijimbere, lauréat du secondaire, trouve inquiétant : «Même les petits écoliers ont perdu confiance en l’école. Elle perd son statut de moyen d’ascension sociale d’autant plus que le petit enfant voit leurs grands frères et sœurs croupir à la maison après les études», remarque amèrement le jeune homme.
Quand la misère ouvre la porte aux chemins de l’exode
Sans emploi, sans grand espoir pour le lendemain, certains jeunes de Muhanga sont effleurés par la tentation de l’exode. Pour la plupart, la Tanzanie est la destination favorite. L’outre Malagarazi fait rêver une partie de cette jeunesse de Muhanga qui croit que l’herbe y est plus verte. «Il y a un réseau de passeurs qui vient chercher des jeunes et les embarque pour la Tanzanie via Kayogoro», révèle Adelin. Si l’espoir de l’eldorado n’est pas toujours concrétisé, cette voie continue toujours à séduire.
Bujumbura attire aussi. Boys, nounous, vendeurs ambulants…, c’est souvent l’alternative que prennent les jeunes qui délaissent le banc de l’école pour tenter leurs chances dans la capitale économique.
Et les jeunes leaders dans tout ça?
Face à ces bouleversements, certains jeunes refusent de céder au désespoir. Conscients que la racine du mal est tout d’abord la pauvreté, ils se démènent pour que leurs localités soient des havres de paix qui retiennent ses enfants. Astère Hakizimana s’est transformé en prophète du Saving and Internal Lending Community, SILC. Cette approche qui consiste en un système d’épargne et crédits à l’intérieur d’une petite communauté sans exigences de taux d’intérêts fait le bonheur de ses adhérents. «Depuis que je suis dans un SILC, j’ai pu m’acheter une parcelle de plus d’un million. Puisque j’ai vu l’importance de ces SILC, je cotise pour chaque membre de ma famille et j’exhorte mes connaissances à suivre mon exemple», dit-il.
Le succès de cette campagne menée par ces jeunes leaders a limité les envies d’ailleurs, comme le fait savoir Epitace Nijimbere. «Je connais plusieurs jeunes qui ont renoncé à aller en Tanzanie ou à Bujumbura, parce que grâce à mes conseils, ils ont pu initier des activités génératrices de revenus qui marchent plutôt bien, et l’exemple est en train d’être bien suivi», se réjouit-il.
Le rêve de ces jeunes pionniers est de voir la jeunesse prendre à bras le corps les défis et les surmonter vaillamment. À voir leur hargne, l’avenir ne peut qu’être prometteur.
