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Dialogue parents-enfants : moins de tabous, pour peu de risques

Jeudi 25 juin, le Lycée Amahoro de la colline Muyange abritait un débat riche en échanges entre parents et jeunes élèves. Nous sommes au cœur de Makamba, dans commune Nyanza-Lac. Le but de la rencontre : évoquer ouvertement la problématique de l’éducation pour un comportement sexuel et reproductif des jeunes et adolescents dans la localité.

Un après-midi bien ordinaire à l’un des meilleurs lycées de Nyanza-lac. Un bon vent de la grande réserve d’eau douce, le lac Tanganyika, y souffle adorablement. Les élèves viennent de terminer les examens du jour. Le rendez-vous est déjà fixé : ils sont bien au courant de l’activité qui s’y tient en quelques minutes. L’impatience se lit sur les figures. Les parents, quant à eux, sont déjà en place. Pour mener un bon débat d’échange, les deux côtés s’assoient face à face. Un petit jeu illustrant quelques réalités de la vie des élèves, mais aussi la part des parents pour leur venir en aide en cas d’égarement, débute l’interaction.

Ensuite, les dialogues jaillissent …

Face au vif du programme, la timidité s’installe d’abord. Léonce Nibaruta de l’AIDH Burundi, partenaire du Cordaid dans le cadre du programme Menyumenyeshe dans les provinces du sud du pays, rassure les protagonistes. « Mettez-vous à l’aise. Ce n’est qu’un échange. L’objectif est que vous puissiez, par vous-même, mettre en évidence les problématiques qui hantent la jeunesse, et qui rendent la tâche éducative, revenant au premier plan aux parents, plus difficile, voire impossible. Il faut que, par notre interaction, trouvions nos propres solutions à nos propres problèmes. Personne n’est alors épargnée ou exonérée dans la recherche des solutions, car, quoi qu’il arrive, nous devons tous donner notre pierre à l’édifice. »

Ces propos mettront en confiance tout l’auguste assemblée. Aux parents alors de prendre la parole en premier, démontrant comment la jeunesse d’aujourd’hui est sans scrupule, sans moralité ni discipline. « Les jeunes, vous n’écoutez pas nos conseils. Vous pensez que vous êtes plus au top, que nos avis sont dépassés. Avant, l’enfant était sous la responsabilité de chaque parent. Actuellement, cela est révolu. On ne peut plus corriger l’enfant d’autrui, de peur de s’attirer des foudres. » S’indignera Ezéchiel Ntirampeba, parent et membre du Comité de gestion au Lycée Amahoro.

Il est accompagné dans ces propos par Dorothée Nikwigize, parent, qui déplore les comportements des jeunes filles de Nyanza Lac. « Pourquoi ces jeunes filles cherchent à briller comme de l’or, étant encore de petites enfants ? Les parents ne ménagent aucun effort pour combler tous les besoins, mais elles choisissent leurs chemins, les mauvais. A notre époque, quand une fille voyait pousser les seins, ou apparaître les premières règles, elle commençait immédiatement à craindre beaucoup plus les garçons. Cela est-il encore d’actualité ? Je ne crois pas. Nous avons encore une longue guerre à mener. »

Les parents mis en cause également …

Ne réfutant pas les accusations des parents, comme la politesse mal en point chez certains, les jeunes vont, à leur tour, accoucher les comportements indignes des parents mal intentionnés. « Je ne vois pas comment un homme qui a une concubine peut me faire la morale. Nous les croisons tous les jours, dans des bars, avec des jeunes filles. C’est en quelques sorte le modèle qu’on reçoit, et on ne peut donner que ce qu’on a reçu », scandera haut Samuel, élève au Lycée Amahoro.

Tout comme Samuel, Belyse, sa camarade de classe, regardera les parents en face avant d’avouer quelques vérités cachées. « Ce que vous faites en cachette, ne croyez pas que cela reste secret. Sachez que nous sommes au courant de chaque détail. Nous connaissons les bons et les mauvais parents. S’il faut changer, ce n’est pas seulement aux jeunes de le faire. Nous devons embarquer le même bateau. » Zuena, élève au même lycée, sera du même avis. « Nous sommes débordées par les hommes qui nous demandent de coucher avec eux, et cela très fréquemment. A voir, si on essaie d’être impartial, les parents risquent d’être moins sérieux que les jeunes. »

A la fin, la conclusion du débat sera la valorisation de l’éducation des jeunes, sans passer outre le retour à l’« Ubuntu ». Aux jeunes, d’être polis et respectueux. Aux parents, aux éducateurs, … d’adopter les valeurs dignes et de recourir à l’échange autant que de besoin avec les plus jeunes.

L’activité a été organisée par le Cordaid dans le cadre du programme Menyumenyeshe. Financé par l’Ambassade du Royaume des Pays-Bas au Burundi, il est mis en œuvre par les membres d’un consortium regroupant Cordaid, Care International Burundi et UNFPA. Le Cordaid exécute ce programme dans 8 provinces : Karusi, Cankuzo, Mwaro, Muramvya, Rutana, Bururi, Makamba et Rumonge.

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