Âgée de 25 ans et fière de son baccalauréat en Sciences de la communication, Nadège Irakoze passe pourtant le plus clair se son temps à penser aux sandales. Celle qui rêve depuis son enfance de mode peaufine ses plans pour l’avenir dans son atelier « Arts Innovation », à Ngozi.
Rien ne la prédestinait à la mode. Originaire de la commune Gashikanwa, dans la province de Ngozi au nord du Burundi, elle n’avait pas de référence. Ni dans sa famille, ni dans son entourage. Mais toute petite, Nadège savait comment faire des bracelets, des colliers et s’intéressait petit à petit à la décoration pour divers événements. « Depuis la 9ème année, les voisins me sollicitaient pour les aider à décorer les espaces de fête. Je gagnais presque rien, en termes d’argent. Mais j’étais fière, car mon entourage me considérait déjà comme une artiste sur laquelle compter », se rappelle-t-elle allègrement.
Entre études et vie d’artiste
Après le secondaire, Nadège entame l’université. Elle choisit la communication, à l’Université Lumière de Bujumbura. Nous sommes en 2011. Le temps de s’acclimater avec la ville, et voilà qu’en 2012, elle entre dans le carré prisé des artistes qui évoluent au Musée Vivant. Dans cet espace attenant à l’unique zoo public de la capitale au quartier Asiatique, à l’ouest de Bujumbura, elle est parvenue à avoir un stand pour exposer ses œuvres. En grande partie, ce sont des bracelets. C’est là qu’elle tombera sous le charme des sandales. Ou plutôt de leur fabrication .
Un monde dans lequel la concurrence est un péché origine : la jeune ambitieuse en apprendra à ses dépends. Choyée par la bonne entente qui existe dans le compound, entre elle et les autres artistes (tant qu’elle demeure dans ses bracelets), Irakoze saura que son ami d’à côté, rôdé dans la fabrication des sandales, ne lui apprendra rien. Absolument rien ! « A ce moment (en 2013), je me suis mise à pianoter sur Google et Youtube pour apprendre les techniques de base pour fabriquer des sandales. Je consultais les publications d’un certain Jean Pierre Giber. »
Manager dans son atelier de sandales
Après ses études en 2014, elle revient sur les terres de parents, à Ngozi. Elle n’a pas perdu son rêve de faire dans les sandales. Une formation dispensée par Burundi Business Incubator en 2015 va lui doter une vision managériale de son affaire. Au terme de cette compétition, de laquelle elle émerge avec la première place de sa commune et un solide plan d’affaire d’un atelier de chaussures, Mlle Irakoze sera récompensée d’une somme de 3 millions. « Avec cette somme, j’ai acheté une machine à coudre pour chaussures et d’autres consommables. On m’a offert un local gratuitement au centre-ville, puis j’ai vu mon rêve se réaliser. Arts Innovation était né », explique-t-elle en exhibant un catalogue de ses modèles de sandales.
Aujourd’hui, à condition que les consommables arrivent à temps depuis le Kenya, Arts Innovation peut produire 100 paires de sandales par mois, écoulées principalement vers Gitega, Cankuzo, Ngozi et le Rwanda.
Entre-temps, elle continue à consulter internet et est parvenue à entrer en contact avec son « maître » Jean Pierre Gibert, depuis la France. Nadège affirme avoir même écrit à la prestigieuse maison d’habillement Louis Vuitton, qui lui a tout répondu « en lui donnant des conseils. »
Avec un grand sourire, elle fixe le micro : « Pourquoi ne pas approcher les grands si on en rêve de devenir un dans l’avenir ? »