Alors que le Burundi envisage son émergence à l’horizon 2060, un arsenal juridique strict et clair pour préserver les deniers publics par les autorités publiques, est primordial. Quid des textes de lois sur l’instauration des incompatibilités. Economistes et juristes en débattent. Le point.
Afin de bien exercer leurs fonctions publiques, certains mandataires ont l’obligation de s’écarter des autres activités pouvant s’interférer dans leurs prestations. Et cela durant toute la période de leurs fonctions. Pour Diomède Ninteretse, expert en économie, cette mesure permet de limiter d’éventuels conflits d’intérêts dans l’optique de servir l’intérêt général.
En s’éloignant des activités parallèles comme le commerce, explique l’économiste, la réduction de la possibilité de corruption et de prise illégale d’intérêts, est possible : « Puisque généralement quand vous êtes dans une fonction publique, vous pouvez user de votre position pour cumuler de la richesse en s’attribuant des marchés, etc. »
Abondant dans le même sens, Faustin Ndikumana, président de la Parcem, également économiste, regrette surtout l’utilisation des biens publics à des fins privées par les fonctionnaires de l’Etat. « Finalement, on constate qu’on profite de sa position dans l’administration pour servir ses intérêts privés, pour investir dans ses propres activités et s’enrichir illicitement », observe-t-il.
La déclaration des biens par les autorités, un impératif
Lors de leur entrée en fonction et à la fin de celle-ci, le Président de la République, le Vice-Président de la République, le Premier Ministre et les membres du Gouvernement sont tenus de faire sur leur honneur une déclaration écrite de leurs biens et patrimoine adressée à la Cour Suprême, comme le stipule la Constitution dans son article 95.
Cela, pour entre autres raisons, de faciliter aux citoyens de connaître les intérêts financiers de ses dirigeants et de parer aux enrichissements illicites, selon Diomède Ninteretse. C’est un outil de transparence, affirme l’expert, destiné à assurer l’intégrité des politiciens et prévenir la corruption : « Une déclaration des biens prouve votre intégrité, la possession de vos biens, leurs origines avant l’entrée dans vos fonctions et la capacité d’expliquer votre patrimoine à la fin de ce mandat. »
Selon Faustin Ndikumana, actuellement, le débat sur les incompatibilités devrait refaire surface parce que cette loi est devenue caduque : « les gens ne sont pas encore sensibilisés, ce qui fait que les mandataires publics profitent de leurs positions dans l’administration pour servir leurs propres intérêts, en s’enrichissant de manière illicite. »
Pour cet activiste, la déclaration des biens avant d’entrer en fonction et à la sortie permet de prévenir l’enrichissement illicite des hauts cadres de l’Etat, le blanchiment d’argent pour ne pas investir avec de l’argent sale, l’assouvissement de ses intérêts personnels en accordant des marchés aux entreprises dont on est actionnaire, l’abus des biens sociaux utilisés à des fins privés…
Des lois lacunaires
D’après le juriste Aimé-Parfait Niyonkuru, la Constitution du Burundi se limite juste sur la déclaration des biens pour les autorités du pays. Pour lui, cette loi devrait inclure d’autres mesures d’accompagnement afin de bien atteindre son objectif. « Puisque on n’a pas besoin d’émettre des justifications concernant ses propres avoirs, le concerné peut délibérément manipuler les informations concernant sa richesse et n’aura pas des soucis à faire des malversations une fois entrée en fonction », confie-t-il.
Ce juriste trouve également qu’il est pratiquement difficile de qualifier de fonctions incompatibles les activités qu’exercent un agent de l’administration ou une autorité, à côté de sa fonction principale : « Bien que la loi souligne qu’il est interdit d’exercer une autre profession, étant une autorité, il serait injudicieux de l’accuser de faire de l’agriculture, de l’élevage… puisque il peut le faire en tant que hobby, donc en dehors de ses fonctions. D’où la nécessité de rendre cette loi plus claire pour qu’elle ait une force plus répressive en matière de lutte contre la corruption et les malversations », conclut-il.