Alors que le monde sort de la campagne annuelle internationale de 16 jours d’activisme, certaines expressions burundaises ont pignon sur rue malgré leur caractère dégradant pour les femmes et les filles. Une réalité qui participe aux violences faites à leur encontre, juge Blaise Izerimana, socio-antropologue.
Existe-t-il, dans la culture Burundaise, des proverbes ou adages qui dévalorisent la femme en général ?
Oui ils existent bel et bien. Nous avons des expressions comme « Nta nkokokazi ibika isake iriho » (Une poule ne peut pas chanter en présence d’un coq) pour dire qu’une femme ne doit pas prendre la parole en public devant ou en présence de son mari même lorsqu’elle a une suggestion importante à faire. D’autres proverbes comme « Nta jambo ry’umugore » supposent que la parole de la femme ou bien ses propos sont souvent sans valeur. Ceci prouve que la femme est encore stigmatisée dans son quotidien.
Ces expressions peuvent-elles constituer un appel à la violence contre la femme ?
Oui car certains adages appellent carrément à la violence. Lorsqu’on dit par exemple « Ikiganda c’umugore kiganduzwa ubuhiri, kiganduzwa inkoni » c’est pour appeler l’homme à maltraiter sa femme en vue de la soumettre à sa volonté et si elle essaie de se révolter de lui asséner des coups.
Que peuvent être les conséquences de ces expressions ?
Cette violence crée à la longue chez la femme ou la fille Burundaise un sentiment d’infériorité et a de graves répercussions sur la société toute entière. Imaginez les garçons qui naissent et grandissent dans une telle atmosphère. Comment respecteront-ils leurs sœurs et plus tard leurs épouses alors qu’ils ont grandi en croyant qu’elles sont bon à rien. Ceci explique en partie les violences faites aux femmes, les viols etc parce qu’une partie de la population a été éduquée en croyant avoir tous les droits sur les femmes y compris les violenter.
Comment prévenir ces actes pour une société juste et équitable ?
Ces adages sont l’expression d’une réalité de notre société. Pour inverser la tendance, il faut la promotion des femmes et filles à tous les échelons de la société. Ceci permettra aux jeunes hommes d’être conscients de l’importance de leurs sœurs et plus tard leurs femmes, qu’elles ont aussi de la valeur et leur mot à dire. Et cela passe par l’éducation : enseigner les enfants dès le bas âge les valeurs d’Ubuntu, le sens de l’égalité et d’autres valeurs. Ensuite, les femmes doivent participer dans les instances de prise de décisions afin d’influencer positivement la société. Cela passe par le vote, elles doivent élire. Et enfin, toute la société doit être sensibilisée sur les pratiques de résolution pacifique des conflits.