Au moment où la production du maïs est estimée cette année à plus de 71 000 tonnes avec des possibilités de vente d’une bonne partie à la Brarudi, une autre à la police et au moment où même l’exportation d’autres quantités de cette récolte est envisagée, sa conservation dans de bonnes conditions laisse à désirer. L’Agence nationale de gestion des stocks de sécurité alimentaire tranquillise.
Mardi, 12 septembre 2024, il est 11 heures du matin à Rutegama, une colline se trouvant à quelques encablures du chef-lieu de la capitale politique Gitega. Deux jeunes filles se trouvent en face du bureau de la zone rurale de Gitega, une des salles sert de hangar ou plutôt de stock de céréales géré par le CIAP, la Coopérative d’Investissement Agropastoral.
Les jeunes filles, foulards sur la tête, sont couvertes de poussière. Elles sont en train de tamiser les grains de maïs, faisant en même temps le tri entre les grains pourris et d’autres abîmés par des charançons.
Des quantités de maïs sont étalées sur une bâche, c’est apparemment pour sécher ces grains au soleil en attendant de les faire passer dans le gros tamis fait d’un cadre en bois comme celui utilisé sur des chantiers de construction. A l’intérieur du hangar, des sacs par centaine sont posés sur des palettes et sur des étagères. Ces sacs sont estampillés « Hermetic bag ». Nous apprenons qu’il s’agit de sacs spéciaux pour la conservation des céréales et qu’ils ont à l’intérieur deux couches en plastique pour une bonne protection du maïs. Dans un coin de ce hangar, sur une bâche, des grains de maïs non encore emballés, une petite odeur se dégage.
Des questions sur ce maïs apparemment en mauvais état, sur ces grains étalés au soleil et puis passés au tamis, des questions sur des charançons vus sortir de certaines graines et sur quelques déchets et impuretés mis de côté après le tamisage, … ne trouvent pas de réponse.
Nombre insuffisant des hangars
Une autre jeune dame qui supervise ce stock, répond sèchement qu’il faut poser toutes ces questions aux chefs, elle donne un numéro de téléphone d’un de ses supérieurs mais la personne au bout du fil, semble surprise par les questions et préfère être évasive dans ses réponses avant de raccrocher.
Malgré cette situation, certaines autorités contactées affirment que le maïs collecté cette année est mieux conservé par rapport aux années passées bien que des défis persistent.
Ces autorités avouent que l’année précédente, des quantités non négligeables de maïs avaient pourri en raison d’une mauvaise conservation et suite au manque de préparation de l’Anagessa avant la collecte.
Oscar Uwikunda, directeur du BPEAE, le Bureau Provincial de l’Environnement de l’Agriculture et de l’élevage à Gitega, tranquillise : « Malgré l’amélioration de la conservation, il manque des hangars bien construits et conformes aux normes, le nombre de hangars est insuffisant, car ceux destinés au stockage des maïs sont débordés en raison de la récolte abondante, obligeant à utiliser des salles de classe ».
De plus, révèle-t-il, dans certains hangars, des souris pénètrent et ravagent le maïs stocké. Cette année, fait savoir, une source digne de foi, pour le cas du maïs en mauvais état entreposé dans les hangars gérés par la CIAP sur la colline Rutegama, il a été signalé qu’un agriculteur avait vendu 10 tonnes, mais après le constat, il s’est avéré que 3 tonnes de maïs étaient humides et infestées de charançons.
Des solutions envisagées pour une meilleure conservation
« Ces dernières n’ont pas été acceptées et ont été mises de côté pour éviter de contaminer les récoltes bien conservées », confie cette source.
En 2024, fait savoir le directeur du BPEAE à Gitega, la situation a changé grâce à la disponibilité d’outils comme les insecticides, les sacs dits « Hermetic bag » ainsi que les humidimètres.
Approchés la plupart des paysans expliquent qu’ils ne peuvent pas vendre du maïs en mauvais état. « Nous vendons du bon maïs, bien sec. Nous ne pensons pas que l’Anagessa accepterait une récolte humide. Le maïs ne s’abîme qu’une fois entreposé dans les stocks de l’Anagessa », a indiqué un agriculteur rencontré à Itaba.
Pour améliorer et bien conserver les maïs collectés, indique le gouverneur de la province de Gitega, des processus de recherche sont en cours pour réhabiliter les hangars situés à Zege. « Nous espérons que ces silos permettront de conserver des quantités suffisantes de maïs dans de bonnes conditions ».
La détresse de certains agriculteurs d’Itaba
A côté de la conservation qui connait encore des difficultés, le retard de paiement par l’Anagessa inquiète également certains agriculteurs d’Itaba, dans la province de Gitega. Ils signalent que les préparatifs de la rentrée scolaire sont compromis en raison des impayés pour ceux qui ont vendu leur production de maïs à l’Anagessa, c’est au moment où les prix des fournitures scolaires augmentent chaque jour.
De plus, se désolent ces agriculteurs, cela perturbe la préparation de la saison culturale A, car les moyens d’acheter des semences sélectionnées manquent à cause de ce retard.
« J’ai vendu quelques quantités de maïs à l’Anagessa en juin, mais jusqu’à présent, en septembre, je n’ai pas encore été payé, alors que cette agence est censée soutenir les agriculteurs. Je supplie l’Anagessa à faire tout son possible pour que nous soyons payés à temps », a lancé un autre agriculteur rencontré à Gihamagara.
« Si les agriculteurs investissent tous leurs efforts pour produire en grande quantité et ne sont pas payés après la vente, cela les décourage énormément,” a déclaré le gouverneur de Gitega. Il a demandé à l’ANAGESSA de prévoir des fonds suffisants pour les paiements afin que les retards enregistrés ne se reproduisent plus.
Des défis
Les 300 millions de FBu alloués à l’ANAGESSA pour l’exercice 2024-2025 ne suffisent pas pour acheter toute la production de maïs, car la récolte a été excessive, ce qui entraîne des retards de paiement.
Il y a également une crise de personnel à l’Anagessa, les paysans en pâtissent. Avec ce problème, cette agence doit collaborer avec la coopérative CIAP, elle dispose d’un personnel dans chaque zone.
En tant que prestataire de services pour l’Anagessa, la CIAP est chargée de collecter la récolte de maïs à travers tout le pays. Cependant, certains craignent que ce manque de personnel puisse entraîner divers problèmes, tels que des retards de paiement, le non-respect des mesures de conservation, et un suivi irrégulier des activités à l’échelle nationale, …
Un autre défi est lié à la faible circulation de la monnaie. En effet, après avoir été payés, les paysans ont tendance à garder l’argent chez eux plutôt que de le déposer dans une banque, ce qui entrave la circulation monétaire, comme l’a indiqué le gouverneur de Gitega
Pour ces retards de paiement, les paysans et les autorités rencontrés sur place dans les provinces de Muramvya et Gitega ont suggéré que l’Anagessa prévoie des fonds suffisants pour éviter toute réédition de ces retards de paiement l’année prochaine.
Quand le maïs collecté sera-t-il remis sur le marché ?
Plus de 71 000 tonnes de maïs ont été collectées par l’Anagessa dans tout le pays. Les paysans ont vendu leur récolte à un prix de 1 700 FBU/kg, comme fixé le 9 janvier 2024 par le ministre de l’Agriculture et la ministre du Commerce. Ils ont dit que ce prix n’a pas dépassé les 2 000 FBU/kg, même après le retour sur le marché du maïs collecté.
Les commerçants et les paysans se demandent quand le maïs collecté sera remis sur le marché, car les prix commencent à augmenter et ce produit devient de plus en plus rare. Dans certains marchés, comme celui dit Cotebu en mairie de Bujumbura, le maïs est difficile à trouver.
Chaque commerçant n’a qu’un sac, et les prix varient entre 2000 et 2200 FBU le kilo. « Nous préférons acheter en petites quantités car le prix est très élevé. Nous achetons ce maïs aux camions venant de l’intérieur du pays, et il est difficile d’acheter un kilo à 1 900 FBU et de le revendre avec un bénéfice de seulement 100 FBU/kg. Il faut que le maïs collecté soit remis sur le marché pour faciliter les paysans et nous, les commerçants », insistent-ils.
De même, en province de Muramvya, les paysans du quartier Mubarazi affirment qu’il est temps que le maïs collecté revienne sur le marché pour les aider, car les prix commencent à monter.
Cependant, lors de la réunion de préparation de la saison culturale A 2025 du 10 Septembre 2024, le ministre de l’Agriculture, Prosper Dodiko a informé que la Brarudi avait proposé d’acheter une partie du stock actuel de maïs. Il était question également de fournir du maïs à la police et même exporter une autre partie.
Mais, nuance-t-il, pour éviter d’importer du maïs l’année prochaine, nous conserverons une grande partie de la récolte de maïs collectée par l’Anagessa lors de la dernière campagne jusqu’à une analyse complète de la saison culturale A, notamment des conditions climatiques.
« Nous avons averti les agriculteurs de vendre leurs récoltes de manière réfléchie et en tenant compte des conséquences, car il arrive parfois que les récoltes ne reviennent pas jusqu’à eux. Cependant, pour la redistribution sur le marché, nous espérons que ceux qui gèrent ces réserves de maïs jugeront nécessaire de les remettre sur le marché si besoin », a annoncé Ali Kassim, directeur du BPEAE à Muramvya.
Certains paysans ont témoigné qu’ils utilisent maintenant leurs réserves, car ils n’ont pas vendu toutes leurs récoltes pour assurer leur sécurité alimentaire. Cependant, ces réserves sont en train de s’épuiser car leurs besoins augmentent progressivement. Ils demandent donc avec insistance que le maïs collecté soit reversé sur le marché pour les aider dans leur vie quotidienne.
Des recommandations ont été formulées
Les BPEAE ont demandé à l’Anagessa de se préparer adéquatement avant de collecter le maïs et de s’assurer que les récoltes sont bien conservées. Selon ces derniers, il est essentiel de construire des hangars conformes aux normes dans tous les secteurs du pays, car les hangars actuels pour la conservation du maïs sont trop petits, ce qui peut entraîner des problèmes.
Les agriculteurs ont également souligné l’importance de fournir des semences de qualité à temps, car certains ont signalé que les semences reçues l’année dernière ne se multipliaient pas correctement.
Mais, certaines semences, telles que ’’Burakeye’’ et ’’Mazed M621’’, sont actuellement testées par l’ISABU ici au Burundi. Il est crucial que les agriculteurs adoptent ces semences pour s’assurer que, même si les semences importées arrivent en retard, cela n’affecte pas les saisons agricoles. Une suggestion de la plupart des directeurs des BPEAE approchés.