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Une vie de « Chinoise »

Languide par ici, Languide par-là elle est au four et au moulin ???? Jimbere

Orientés à l’Université du Burundi, plusieurs jeunes se trouvent obligés à être hébergés chez des membres de leurs familles habitant la capitale ou autres connaissances. Dans le jargon universitaire ils sont  appelés« les Chinois ». Une condition pas toujours facile à vivre. Témoignage.

Sa bonne prestation lors de l’examen d’Etat n’a étonné personne. Depuis sa tendre enfance, Languide* a toujours été un élément brillant de sa classe. « La seule fois où  la première place m’a échappée c’était en neuvième année » confie-t-elle. Et notre Languide trouve la raison : « Ma mère était décédée et j’ai passé tout un trimestre avec le moral au plus bas de son niveau ». Arrivée en classe de première (terminale), elle a carrément brillé. Même son directeur a tenu à venir la congratuler à la maison tant il était épaté par ce que sa filleule de classe avait réalisé. C’est au cours de cette visite du directeur que tout a basculé.

Confiant de la capacité qu’a Languide d’affronter n’importe quelle faculté, il lui propose de passer l’examen d’entrée en médecine. Sans l’ombre d’une hésitation, la Languide accepte volontiers. Rapidement, elle se remet sur les cahiers et bosse comme un bagnard. Ayant revu et révisé  à maintes reprises les matières des cours faisant objet du concours d’entrée, c’est une jeune fille en confiance qui se présente. Comme à son accoutumée, quand on a affiché les résultats, elle se trouve dans les cent premiers qui sont retenus pour faire la médecine à l’Université du Burundi. Tout semble rose pour elle sauf que…

Le logement, un casse-tête

La petite famille de Languide a beau être fière d’elle mais elle se trouve face à un obstacle de taille, le logis. La jeune fille multiplie les contacts avec des amies de son établissement qui sont déjà à l’Université du Burundi. Elle collectionne toutes les informations sur le mode de vie des étudiantes venues de l’intérieur du pays. Astuces de comment gérer l’argent, l’alternance de celles qui cuisinent ou font la vaisselle, elle s’enquiert sur tout. Au finish, elle va conter à son père ce qu’elle a récolté de sa petite enquête. La réception qu’il en fait la terrifie. Le paternel ne veut pas entendre de ses oreilles que sa fille va vivre avec ses camarades n’ayant d’autres responsables qu’elles-mêmes. Il lui étale toute une panoplie de vices auxquels elle s’exposerait. «  Tu finirais prostituée  … la ville est bien dangereuse pour une fille comme toi ». Il campe sur sa position. Tout sauf voir sa Languide dans un gynécée d’étudiantes. Il propose un plan B que sa fille est obligée d’accepter : Il va demander à un ami à lui de bien vouloir l’héberger. A son plus grand bonheur sa prière est exaucée, l’ami accepte.

Une vie de Chinoise, les lendemains qui déchantent 

Le moment de débuter son cursus académique commence. Tel un grand saut dans le vide Languide s’embarque pour une ville dont elle ignore presque tout. Arrivée où elle logera, on l’accueille on ne peut plus chaleureusement. La maîtresse de céans intime l’ordre à ses enfants de l’appeler tantine. La famille d’accueil de rêve, quoi.

Pour les premiers mois, c’est la dolce vita. La jeune villageoise est choyée, même pour des virées en famille sur les plages du Tanganyika, elle est du nombre. Mais la belle saison commence soudain à connaître des averses. Les invectives commencent à jaillir de partout. Pour un rien, l’épouse de son hôte s’énerve.  A plusieurs reprises Languide l’entend lâcher des « Depuis que cette fille est là le stock est en rupture trop tôt ». La jeune fille est le bouc émissaire à  qui on attribue tous les torts. Comme pour lui faire payer, tous les travaux de la maisonnée sont remis sur son compte. Languide par ici, Languide par-là elle est au four et au moulin.  Quand elle essaie de réclamer un assouplissement pour un temps de révision, des invectives pleuvent à verse. Stoïque, elle avale les couleuvres sans broncher.

 «C’est aussi ça être chinois, on doit encaisser les coups, on n’a pas le choix. Le mariage forcé entre le syllabus et les travaux ménagers mène souvent à une chute libre dans le rendement scolaire», constate Languide, amère.

 

*Pour souci d’anonymat, le nom a été modifié.

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