Jimbere

Kirundi French
Editorial

L’offensive

Il fut un temps où voir une femme tenant une truelle ou un platoir était chose rare : les chantiers étaient un espace exclusivement réservé aux testostérones. Il n’y a pas longtemps, impossible de trouver une taxi-woman dans tout le pays, le métier étant dit « à risques ». Il y a encore des contrées où des Burundaises montent sur taximotos ou vélo les jambes serrées, assises en biais sur le porte-bagages, pudeur exige…

Mais le temps est passé, depuis. Les conditions de vie ont changé : la structure classique d’un ménage au Burundi avec comme chef un homme n’a pas résisté. De plus en plus, les femmes ont été amenées à gérer, souvent seules, des familles entières. Veuves, mères célibataires, jeunes domestiques tombées enceintes alors qu’elles étaient venues tenter l’aventure de la ville, ou ces rares femmes désireuses de « consommer » leur indépendance en rejetant toute forme de contrainte sociale qui viendrait masqué sous le voile marital… Il est vrai que le nombre de femmes chefs de ménage augmentait avec la guerre civile de 1993, s’établissant autour de 25 % dans les années 2000.

Face à un marché de l’emploi étroit, les femmes se lançaient alors dans des niches longtemps réservées à la gente masculine. Le secteur du bâtiment est le plus emblématique : à Bujumbura ou en province, il est devenu courant de croiser des chantiers sur lesquels dorment maçons et transporteuses de briques.

Dans ce nouveau numéro du Magazine Jimbere, nous offrons des parcours de femmes qui se sont imposées dans des métiers longtemps perçus comme « masculins ». Souvent, elles ont ceci de commun qu’elles ont été obligées de s’y convertir pour subvenir aux besoins d’un bébé abandonné par le géniteur.
Ce n’est donc pas par gaieté de cœur que la coiffeuse de Gasenyi, ou la taxi-woman de Kirundo ont enfreint l’ordre social… Les joyeuses tambourinaires de Kinama, qui avaient cru pouvoir s’émanciper du regard réprobateur de la tradition, ont dû plier le dos et regagner leurs foyers d’épouses sages : « Le tambour, c’est uniquement pour les hommes ! », lance-t-on de Gishora.

Ce que montre ces portraits, c’est que finalement la société burundaise vit sous le rythme d’une dynamique du discours de l’égalité professionnelle qui s’étend de plus en plus aux métiers informels. Et que la précarité joue un rôle de catalyseur.

Seuls les pécheurs résistent encore…

Pour le reste, les femmes sont à l’assaut des métiers, et c’est tant mieux.

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