Au moment où le monde entier célébrait la journée mondiale de lutte contre la corruption le 9 décembre dernier, le niveau de corruption au Burundi reste extrêmement élevé. Le classement de l’indice de lutte contre la corruption place le pays au bas de l’échelle. Malgré les efforts du gouvernement dans l’amélioration du cadre institutionnel et législatif, des lacunes persistent…
Selon l’indice de la perception de la corruption 2022 par Transparency International, le Burundi est parmi les 10 pays les plus corrompus au monde. Classé 171ème sur 180 pays, il enregistre un score de 17 sur 100. En Afrique subsaharienne, il occupait la 47ème place sur 49 pays classés. Une petite amélioration a été enregistrée en 2023 où il est remonté à la 162ème place avec un score de 20 sur 100.
Des chiffres corroborés par un constat sur terrain où la corruption saute presque aux yeux. « Personne ne peut nier l’existence de la corruption dans notre pays. C’est devenu une situation normale que ça soit sur les routes, dans les services, etc », lâche G.P., habitant Bujumbura, la capitale. Actuellement, poursuit-il, il suffit juste de glisser un petit billet pour obtenir en une journée un document qu’on devrait recevoir en une semaine.
Même constat à Gitega, la capitale politique où le moindre petit service demandé à un employé de l’État est subordonné, le plus souvent, à des frais non prévus par la loi, appelés ‘‘Umucoro’’.
Cette pratique s’observe également dans la sphère économique. Au marché de Gitega, dans les magasins des objets de construction, comme dans les hôtels ou les bars, soutiennent des sources sur place, la facture est donnée si elle est exigée par le client. Sinon les commerçants indiquent tenir des registres de commerce où ils mentionnent leurs entrées et sorties. Ce qui rend leur imposition difficile.
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Une corruption malgré une panoplie de lois anti-corruption
Malgré cet état de fait, le Burundi a adopté en 2006 une loi sur la Prévention et la répression de la corruption et des infractions connexes. C’est une loi chargée de mettre en œuvre les dispositions des conventions anti-corruption visant à prévenir et sanctionner tout acte de corruption et d’infractions connexes commis dans le service public, privé, les ONG inclus.
Cependant, selon le rapport de Civil Forum For Asset Reset (CIFAR) de 2020, « cette loi présente des lacunes et failles surtout en ce qui concerne la protection des lanceurs d’alertes, le recouvrement des avoirs ainsi que la déclaration du patrimoine. »
Ainsi, plusieurs institutions spécialisées dans la lutte contre la corruption ont été supprimées ou fermées. L’on citera le Ministère chargé de la bonne gouvernance créé en 2005 mais qui a cessé d’exister en 2020. La loi organique réattribuant le pouvoir des institutions spécialisées dans la lutte contre la corruption du 28 avril 2021 a été analysée et adoptée par l’Assemblée nationale mais ces amendements soulèvent toujours des préoccupations du fait qu’ « elle abolit la Cour anti-corruption au profit des Hautes Cours et des Cours d’Appel », selon ce rapport.
La Société civile burundaise crie à l’inertie du Gouvernement
Pour le Directeur national de Parcem, le gouvernement a démissionné face au combat contre la corruption, alors qu’aucune politique de développement n’est possible sans la lutte efficace contre la corruption.
Des cas de corruption, des cas de détournements, des infractions impunies touchent aussi bien, selon Faustin Ndikumana, le ministère des Finances, de la Fonction publique, la Banque de la République du Burundi, sans oublier les entreprises publiques qui sont au bord du gouffre.
Et ce n’est pas tout. Pour M. Ndikumana, il y a mise au rencard des actions de prévention notamment la déclaration des biens, la gestion des incompatibilités : « La justice a été paralysée et ligotée par le pouvoir exécutif. »
Et d’appeler d’urgence la mise sur pied d’une stratégie nationale de bonne gouvernance, organiser les états généraux autour de la question de gouvernance et de corruption pour donner des pistes, des solutions à ce fléau. « Sinon, le pays, petit à petit, va se retrouver dans une situation ingérable et incontrôlable », martèle-t-il.
Du côté de l’Observatoire de Lutte contre la Corruption et les Malversations Economiques, les procédures de la mise en place de la Stratégie nationale de lutte contre la corruption ne suffisent pas. L’Olucome suggère une mise en application des conventions et des outils juridiques de prévention et de lutte contre la corruption ratifiés ou adoptés par le Burundi.
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