Selon Adrien Ntabona son auteur, ce livre est une contribution à un sursaut des consciences, une contribution pour la réparation face à la détérioration des mœurs et qui s’appuie sur l’éthique fondamentale et chrétienne. On l’a lu pour vous.
« Personnellement, je suis fin-carrière comme chercheur… et je me suis rendu compte, avec une certaine acuité, combien les gens dans mon pays, comme ailleurs dans le monde, sont aujourd’hui inquiets, voire angoissées à propos de l’humanité de l’homme. », commence-t-il dans l’avant-propos, et le lecteur sait déjà à quoi s’en tenir ; c’est un livre centré sur l’homme et son humanité, le Burundais et ses valeurs.
Faisant le parallélisme avec le proverbeː « Chaque rose a ses épines », l’auteur prend la culture burundaise comme un rosier qui a ses épines et ses roses. Une vision permettant de dégager à la fois les valeurs et non valeurs, les forces et faiblesses, les opportunités et les défis, les ouvertures et limites.
???? Fin de semaine chargée pour les Burundais passionnés de lettres. Ce matin, 06/11/2020, l’Abbé Adrien Ntabona a procédé à la présentation de son livre « L’UBUNTU (Humanité réussie), ses roses et ses épines au #Burundi » #littérature pic.twitter.com/vPLHNhkxHU
— Jimbere (@JimbereMag) November 6, 2020
Mais qu’est-ce que l’auteur entend par « Ubuntu » ?
Le radical « ntu » est très présent dans presque la totalité des langues Bantu, ce qu’il trouve très fascinant. Lors de la présentation de son livre, le professeur et prêtre Adrien Ntabona a expliqué que « Ubuntu » veut dire «la constance envers soi-même et l’ouverture à l’autre », toujours dans l’avant-propos l’auteur parle d’Ubuntu comme cette volonté d’élévation et qui est pratiquée sur tout le continent africain.
L’objectif de l’ouvrage est donc manifesteː donner la version burundaise de l’Ubuntu. Celle-ci embrasse à la fois, le niveau personnel, familial, social, socio-politique et religieux.
Qu’est-ce que ça veut bien dire ?
Au niveau personnel, vivre comme un être humain c’est jouir d’une harmonie intérieure tout d’abord. Toute la vie humaine prend racine au-dedans, en effet les burundais ne disent-ils ː « Akami ka muntu n’umutima wiwe » ː « Le roi bien-aimé de la personne c’est sa conscience », c’est pourquoi réfléchir se dit ː « Kubaza umutima ». D’un homme qui se respecte et respecte les autres on dit ː « Ni umuntu ». Dans la tradition burundaise explique toujours l’auteur, certaines fautes dans la société faisait perdre le rang de l’homme. C’est pourquoi un proverbe dit ː « hakugoka wogorwa », « Au lieu de déchoir, mieux vaut être malheureux » il faut donc veiller sur son comportement pour que l’œil dépréciatif de l’autre ne te traverse de part en partː « Ntagucishemwo ijisho », écrit l’auteure.
Quant au plan familial, l’Ubuntu implique une notion d’unité profonde « Ubumwe », envers ceux à qui on a des liens de sang et par extension les voisins. Un homme qui pèche contre l’unité familiale n’en est pas un, on dit de luiː « si umuntu », « c’est pas un homme réussi. »
Sur le plan social, Ubuntu donne à savoir que « vivre c’est vivre avec ». Pour l’auteur, c’est pourquoi le refus de partage constituait une lésion au droit culturel. D’ailleurs, précise-t-il, à ce sujet, il serait bon de savoir que dans la tradition burundaise le refus de logement à quelqu’un qui se présentait dans l’enclos avant la tombée de la nuit était un délit punissable tout simplement parce queː « abantu ni magiriranire », « les gens sont complémentaires ». L’Ubuntu exige d’avoir conscience d’autrui et de sa dignité.
Qu’en est-il des épines sur le rosier de la culture ?
C’est à la page 86 que l’auteur attaque le point concernant les épines sur le rosier d’Ubuntu. Il démontre que langage du Burundi traditionnel est plein de termes et expressions qui altèrent le sens d’Ubuntu, cohésion sociale ; « uwundi » ː l’autre, « umwana w’uwundi » ː le fils d’autrui, « murundi » ː l’étranger à ton champ vital, sont des expressions qui s’inscrivent dans la logique de ne pas faire confiance à autrui, invitent à la méfiance et à la discrétion envers l’autre qui est ici considéré comme un étranger. C’est pourquoi on dit par exemple « amaborogo atari rwawe ntakubuza itiro » ː « les cris de douleurs qui ne sont pas tiens, ne t’empêcheront de dormir » ou encore « ishengero ritarimwo uwawe rikubera ishamba », « La foule où il n’y a personne des tiens est pour toi une forêt ». L’auteur veut insister sur le fait que le concept d’ennemi a alors beaucoup préoccupé le murundi traditionnel au point qu’il faut toujours se tenir sur ses gardes, se protéger et protéger les siens. L’on comprend alors qu’Ubuntu était ainsi jalonnée d’épines qui empêchaient à ce rosier qu’est la culture de fleurir.
Quid de l’effondrement des valeurs et comment les retrouver ?
Pour l’auteur, la communauté humaine au Burundi est en danger de mort éthique. Les cerveaux sont en vacances voire en hibernation, la violence identitaire et le pessimisme par l’abandon ont pris place. La question que se pose l’auteur est ː « Quand les fondements sont ébranlés que peut faire le juste ?». Adrien Ntabona croit que les points de repère sont encore trouvables et pour celui qui est imbu de l’Ubuntu, c’est maintenant qu’il doit relever le défi pour recoudre le tissu déchiré des valeurs. Un cri lancé à tout Burundais et humain soucieux du bon vivre-ensemble, de la paix et l’unité.
Les traductions que vous avez trouvé dans cet article sont de l’auteur de l’ouvrage