«Tant que les lions n’auront pas leur propre histoire, l’histoire de la chasse glorifiera toujours le chasseur» – Chinua Achebe
La prophétie du grand écrivain nigérian qui nous a quittés il y a trois ans concernait cette Afrique meurtrie par la colonisation, aux prises avec la modernité et la mondialisation. Mais son actualité pèse encore plus au Burundi à la lumière de la crise politique que traverse le pays depuis l’année passée.
Plusieurs analyses ont pointé la situation de misère, d’interrogation, le mur de désespoir auquel font face de nombreux jeunes burundais, sans emploi, sans perspective de « s’en sortir », et qui nourrissent la violence et les extrémismes idéologiques.
Il y a des causes sociales et historiques à cette situation. Depuis l’indépendance du Burundi, le pays a rarement eu de leadership visionnaire à même de conduire en parallèle des programmes de développement et les changements sociaux nécessaires pour que tous les Burundais y aient accès.
Comme ailleurs en Afrique, la société burundaise est restée engluée dans un hiérarchisme social encombrant, dans lequel jeunes et femmes sont des spectateurs du changement social. Cette marginalisation consacrant « l’adulte masculin » s’ajoutait à d’autres discriminations, ethniques, régionales.
Pourtant, comme la plupart des pays africains sub-sahariens, le Burundi est une nation essentiellement jeune, et féminine. Plus de 71 % de la population burundaise a moins de 35 ans, et plus de la moitié de Burundais sont de sexe féminin (ISTEEBU). Cette population jeune a besoin d’opportunités, d’espace d’expression et de recréation, mais aussi de modèles qui lui parlent dans un contexte socio-économique tenu.
Malheureusement, le paysage médiatique burundais est dominé par la politique et des thématiques annexes (sécurité, coopération, etc.). De fait, comme le montrait l’étude IMMAR sur les médias (2014), le contenu médiatique diffusé au Burundi est souvent perçu comme idéologique, loin des préoccupations premières et terra-à-terre de la majorité de la population, jeune, et spécifiquement des femmes.
De nombreuses tentatives ont été faites pour répondre à cette lacune, comme la diversification des rubriques dans la presse écrite numérique ou papier (Iwacu, Akeza), mais aussi des émissions radiophoniques spécialement destinées pour les jeunes/femmes. Mais comme ces productions sont noyées dans des lignes éditoriales avec un fort accent sur l’actualité politique, leur portée se dilue fortement. Chez les jeunes, seuls subsistent des programmes ludo-éducatifs.
S’ajoute à ce contexte médiatique le peu d’attention que semblent porter les pouvoirs publics aux attentes sociales de la jeunesse, l’accent étant porté beaucoup plus sur les enjeux politiques et sécuritaires du pays.
Ce contexte général crée donc un besoin pour un medium qui s’adresse spécifiquement aux jeunes du Burundi.
En créant ce magazine, SaCoDé, avec l’aide de journalistes burundais de carrière, se propose de lancer une véritable plate-forme médiatique qui s’engage, de façon générale, à former, éduquer et divertir les jeunes et femmes du Burundi.
Si le Burundi veut se défaire des violences générées et entretenues par le biais de la jeunesse comme on l’a vu en 2015, il faut que les jeunes s’approprient le récit de leurs rêves, et de leurs sueurs.
Leurs cris n’en seront que mieux compris.
Roland Rugero,
Coordinateur du Projet Jimbere (SaCoDé)