La Faculté d’Agronomie et Bio-ingénierie (FABI) de l’université du Burundi qui pilote le projet RASAB en collaboration avec IFDC, à travers le projet PAGRIS, organisait ce 14 mai, une session de restitution des résultats de ses recherches. Objectif : comment corriger l’acidité des sols dont ¾ est acide avec des pH inférieur à 5.5. Le point.
Le constat est sans appel après les études menées par cette faculté : dans les régions d’altitude du Burundi, les sols acides et appauvris représentent un défi majeur pour la sécurité alimentaire et le développement durable.« A peu près 99% des sols du Burundi présentent des teneurs en phosphore assimilable très faibles car ces sols sont caractérisés par un pH inférieur à 4, indiquant une forte acidité qui limite la disponibilité des éléments nutritifs essentiels pour les plantes », indique Nijimbere Séverin, doyen de FABI, lors de son exposé.
Les sols du Burundi, précise le doyen, sont acides sauf la plaine de l’Imbo et les dépressions du nord. La forte acidité est rencontrée sur la crête, les plateaux centraux et les escarpements de Mumirwa : 73% du territoire burundais ont des pH≤5.5. Dans les sols acides, il y a aussi des carences en principaux éléments nutritifs car ils sont indisponibles pour les plantes.

Cette acidité, poursuit-il, combinée à une faible teneur en matière organique, rend les sols peu productifs. La compréhension et la description de l’état du sol, quant à ses qualités et ses propriétés de dégradation sont indispensables à sa gestion adéquate pour la bonne production agricole. Il est, selon lui, donc crucial de connaitre le sol dans ses moindres détails pour le cultiver efficacement et durablement.
Des causes d’acidification des sols…
L’acidification des sols est un processus complexe influencé par plusieurs facteurs environnementaux et anthropiques, explique toujours M. Nijimbere : « Des pluies notamment acides résultant de la pollution atmosphérique, le lessivage des cations basiques tels que le calcium et le magnésium relativement solubles dans l’eau, entrainent une réduction des éléments tampon du sol, favorisant ainsi une augmentation de l’acidité. »
A côté de ces éléments, l’on trouve également la croissance des plantes qui joue également un rôle en absorbant des cations basiques, provoquant un excès des protons qui contribue à l’acidité du sol. Il y a également la décomposition des matières organiques par les micro-organismes qui libère des acides organiques, ce qui peut également augmenter l’acidité. « Ces processus naturels, exacerbés par les activités humaines telles que l’utilisation intensive d’engrais azotés et la pollution atmosphérique, accélèrent l’acidification des sols, affectent la fertilité des terres et la santé des écosystèmes », signale Séverin.
Que faire dans ces conditions ?
Pour cultiver efficacement sur des sols acides, il est essentiel d’adopter des stratégies qui améliorent la qualité du sol et favorisent la croissance des plantes. La culture sur ces sols acides peut être optimisée en sélectionnant des variétés de plantes résistantes à l’acidité du sol. Pour augmenter le phosphore disponible dans le sol, il est recommandé de neutraliser l’acidité actuelle en appliquant des amendements tels que la chaux, qui réagit avec l’acidité du sol. « Cette approche, combinée à l’utilisation des variétés adaptées, peut transformer un sol acide en milieu fertile pour une agriculture productive », soutient le doyen de la FABI.

La dolomie, l’autre solution prisée
Oscar Nduwimana, chef du projet Pilote Dolomie à IFDC, signale de son côté que cette organisation a pour vision de parvenir à « des sols sains et des plantes saines » : « IFDC a facilité la conduite d’une étude sur toute la filière dolomie au Burundi et les recommandations émanant de cette étude ont abouti à l’élaboration et à la mise en œuvre d’un projet pilote dolomie. »
Ce projet, rappelle-t-il, vise à promouvoir l’utilisation de la dolomie afin de restaurer durablement la fertilité des sols très fortement acides et contribuer ainsi au renforcement de la sécurité alimentaire et nutritionnel des ménages burundais.
Et des objectifs ont été atteints dans ce projet pilote dolomie. Depuis 2022, environ 31.000 tonnes de dolomie ont été distribuées à 78.602 ménages bénéficiaires et 17.113 hectares des terres très acides ont été restaurées et mises dans un bon état de fertilité. De plus, 288 champs de démonstration ont été installés et permettent un suivi régulier de l’évolution du pH. Le projet intervient dans 40 communes réparties sur 15 provinces du pays qui sont Bujumbura, Gitega, Karusi, Mwaro, Muyinga Bururi, Cibitoke, Kayanza, Muramvya, Rumonge, Ruyigi, Cankuzo, Makamba Bubanza et Ngozi. Un accent est aussi mis sur le contrôle de qualité afin que la dolomie distribuée puisse être bénéfique pour les bénéficiaires.
En outre, souligne Oscar Nduwimana, la dolomie est utilisée pour neutraliser l’acidité des sols, qui est souvent causée par de mauvaises pratiques agricoles non durables, l’érosion et la mauvaise utilisation des engrais chimiques sans les combiner avec l’apport de matière organique. Les sols sont considérés comme très fortement ou fortement acides à des pH ≤5.5. Cela entrave l’absorption des éléments nutriments essentiels aux plantes et, par conséquent réduit les rendements agricoles.

Les recommandations formulées…
Lors de cet atelier, il a été jugé important de partir des données existantes pour établir une cartographie des recommandations des doses de dolomie selon les différents niveaux de pH. Il faudrait aussi poursuivre la sensibilisation des agriculteurs sur la problématique de l’acidité des sols et l’utilisation de la dolomie comme voie de solution, disponibiliser des pH-mètres au niveau des collines tout en éduquant les communautés sur l’importance de l’analyse des sols pour une meilleure gestion de leurs terres. Les engrais sont à utiliser dans une approche intégrée afin qu’ils soient efficaces et non néfastes pour les sols. Cela implique donc leur combinaison avec l’utilisation de la dolomie, de la matière organique et des autres bonnes pratiques conservatoires des sols.
