Malgré le handicap et les stigmatisations, Chantal, native des hauteurs de Mugongo-Manga, a su reconstruire sa vie, notamment grâce au handisport.
Si elle n’avait pas rencontré un médecin charlatan, sa jambe gauche ne serait pas atrophiée. Elle, c’est Chantal Ndayongeje, la trentaine révolue. Le handicap physique n’altère en rien à sa beauté : très souriante, elle est la cadette d’une fratrie de trois enfants. Fille unique, elle naquit dans les hauteurs d’Ijenda (commune Mugongo-Manga), contrée des athlètes burundais de renom. Elle n’aura pas la chance d’emboîter le pas à certains de ses cousins (en athlétisme) car elle perdra les pleins pouvoirs sur sa locomotion à trois ans, suite à une injection hasardeuse sur le nerf sciatique.
« Ce n’est pas facile de subir à la fois la souffrance physique et en même temps la stigmatisation sociale : se faire traiter d’ikimuga, celui qui ne peut rien faire, alors que tu es mentalement sain est une torture », se rappelle-t-elle.
Au primaire, pour contrer les regards méprisant, elle fut une écolière brillante. Elle quittera les hauteurs de Mugongo-Manga pour aller continuer sa formation à l’Institut Saint Kizito de Bujumbura, cursus qu’elle terminera avec brio. Une expérience avec des semblables, qui lui donnera encore plus confiance en elle : « Je me suis rendu compte que je n’étais pas la seule personne à vivre avec un handicap », témoigne-t-elle.
Retour à Ijenda et les premiers jalons dans le volleyball
Ayant fait la paix avec son infirmité, elle commence à se familiariser avec le volleyball, jusqu’à le pratiquer face aux valides. C’est au Lycée Étoile des Montagnes d’Ijenda qu’elle commencera à se faire un nom.
En 2013, à la sortie de l’université du Burundi (Département d’Anglais), elle entre dans l’Association des personnes vivant avec handicaps, les Vaillantes, où elle commence à jouer dans le club Muco. Habituée déjà au volleyball debout, elle n’apprendra que le déplacement avec le sitting.
Un parcours qui lui fait du bien, physiquement et mentalement : « En équipe on se sent en famille, car il n’y a plus question de complexe. Personnellement le sport, c’est ma thérapie. Après une partie de jeu, le sang circule bien dans les veines de ma jambe atrophiée, ce qui atténue les douleurs ». Et le handisport, comme tout autre sport, aide à maintenir le corps sain.
Vivre et laisser vivre
« D’aucuns pensent que ceux qui ont un handicap quelconque sont des incapables. Ils oublient que quand on est handicapé des jambes, on peut toujours utiliser les bras », dit-elle.
Elle se rappelle qu’avant d’adhérer au club Muco, certains de ses proches ne la croyaient pas quand elle leur disait qu’elle allait aux entraînements. « Ce n’est que lors de ma toute première compétition qu’ils ont compris que ceux de ma condition sommes capables de faire ce que les personnes normales font», évoque-t-elle.
En 2002, Chantal a représenté le Lycée d’Ijenda dans une finale du concours de la langue française. Elle a terminé deuxième au niveau national. « Cette expérience m’a appris que le pire handicap est celui des limites qu’on s’impose », déclare-t-elle.
Un fiancé? Rires. En attendant qu’elle trouve l’âme-sœur, dans une société où une personne handicapée n’est pas beaucoup appréciée, elle se dit bien portante. « Mon cœur bat, et ce n’est qu’une question de temps. Sinon je n’ai pas encore fait de vœux de virginité», susurre-t-elle.
Encadré : Le handisport est un sport adapté aux personnes ayant un handicap physique, mental ou sensoriel. À côté du sitting volleyball, le handisport burundais englobe d’autres disciplines sportives telles que l’athlétisme, le sitball, le goalball (pour les malvoyants et aveugles) et la natation.