Selon la BRB, les particuliers ont perdu près de 10 milliards de BIF dans des institutions de microfinance frauduleuses. Attirés par des taux d’intérêt exceptionnellement élevés, beaucoup ont investi dans ces structures non agréées et insolvables. Pour autant, un expert souligne qu’il ne faut pas occulter le potentiel positif des Groupes Financiers Communautaires (GFC) pour l’économie, et plaide pour un meilleur accompagnement du secteur…
Alors que les institutions de microfinance se multiplient à un rythme soutenu, nourrissant l’espoir d’une véritable inclusion financière, il devient de plus en plus difficile de distinguer l’agneau du loup. Dans un contexte où le secteur bancaire demeure restreint, la microfinance domine le paysage financier burundais avec plus de 65 institutions agréées par la BRB, et plus de 120 structures de 4ᵉ catégorie, communément appelées Groupements Financiers Communautaires (GFC). Mais si ces groupements promettent un accès élargi à l’épargne et au crédit, ils sont aujourd’hui de plus en plus entachés par des pratiques frauduleuses qui minent la confiance du public.
10 milliards subtilisés
Répondant aux questions des journalistes au sujet des GFC qui « tombent en faillite », Simplice Nsabiyumva, directeur de la supervision et de la stabilité financière à la Banque de la République du Burundi a déclaré ce 20 octobre 2025 qu’un montant de plus de 10 milliards de BIF représente les pertes subies par les particuliers dans les groupements financiers communautaires malveillants. Cette information survient après que des institutions de microfinance se déclarent en faillite, laissant dans le dénuement total les citoyens qui y détiennent des dépôts.
M. Nsabiyumva a fait savoir que la plupart de ces victimes sont motivées par les intérêts exorbitants qui leur sont promis : « Imaginez une société qui promet des intérêts annuels allant jusqu’à 60 %, alors que les institutions financières professionnelles n’excèdent généralement pas 7 %. » et d’attirer l’attention : « Tout groupement financier qui collecte des dépôts en promettant des intérêts extorque, et il faut dénoncer le cas auprès de la BRB. » Par ailleurs, le directeur rappelle que les GFC de 4ᵉ catégorie ne sont pas autorisés à collecter les dépôts du public.
Un dédommagement quasi impossible
Lors de cette conférence, M. Nsabiyumva a martelé que le dédommagement des victimes de ces arnaques ne ressort pas de la responsabilité de la Banque. Il déplore que de tels groupements subtilisent l’argent du public sous l’ombre de la reconnaissance de la BRB. Cependant, il est à noter qu’ils ne disposent pas d’un fonds de garantie destiné à rembourser leurs membres en cas de faillite. Cependant, il a fait savoir qu’en cas de faillite, la BRB procède à la liquidation des actifs d’une telle institution. Vu qu’une somme regagnée dans la liquidation – soulignant l’impossibilité de retrouver l’entièreté de la valeur des dépôts individuels –, le directeur de la supervision fait savoir qu’on répartit le peu disponible, pour permettre aux perdants de subvenir aux besoins urgents.
Par ailleurs, il fait savoir que la BRB collabore sans cesse avec le ministère de la Justice dans le cadre des enquêtes afin de repérer toutes les indices de fuites des fonds de la population. Il fait également savoir qu’actuellement le changement de catégorie pour les groupements financiers communautaires est provisoirement suspendu, ainsi que l’enregistrement de nouveaux GFC.
Un mal nécessaire

D’après Diomède Ninteretse, économiste et enseignant d’universités, malgré cet aspect négatif, les groupements financiers communautaires permettent une inclusion financière accrue : « Les GFC permettent à des milliers de personnes non bancarisées, surtout en milieu rural ou informel, d’accéder à des services financiers, même minimes. La population pauvre, ne pouvant fournir les garanties bancaires, doit absolument recourir à ces microcrédits internes. »
Ensuite, le professeur souligne que de tels groupements favorisent l’adaptation locale et la confiance : « Ces groupements sont adaptés aux besoins locaux et fonctionnent sur la confiance sociale, facilitant l’accès au financement pour les activités (agriculture, élevage) que les banques délaissent. » De plus, l’expert souligne que ces mouvements financiers favorisent l’autonomisation et la solidarité : « Ils aident les femmes et les jeunes à être autonomes économiquement et renforcent la solidarité communautaire (entraide en cas de décès, de mariage, etc.)
Cependant ce spécialiste dans les sciences de gestion, expert en leadership et le Management des Organisations déplore que les GFC et leurs adhérents soient confrontés à un manque de formation en gestion financière et en gouvernance. En plus, selon toujours l’expert, ces mouvements n’ont pas un cadre règlementaire bien précis qui les régit. Il souligne que tous les groupements ne sont pas reconnus ou souvent encadrés par la loi.
En outre, l’expert observe un certain abandon de l’encadrement : « À une certaine époque, il y avait des ONG qui encadraient ces groupements. Mais à un certain moment, elles les abandonnés et la BRB n’a pas pris la relève. »
Nécessité de rectifier le tir
Selon Diomède, il ne s’agit de freiner ni la création des groupements ni de les laisser proliférer sans contrôle, mais plutôt de structurer leur intégration dans l’écosystème financier. À cet effet, le professeur recommande la création d’un cadre légal clair pour les groupements financiers communautaires. Et de préciser : « L’enregistrement doit être obligatoire par catégorie et bien définir le travail qu’elle doit faire. »
À cet égard, il exhorte la BRB et le ministère des Finances à s’impliquer pour mettre en place un système de surveillance léger mais efficace. Cet expert appelle à la mise en place de dispositifs de formation et d’accompagnement par la BRB, les communes et les ONG, que ce soit dans l’agenda des plans communaux de développement, que ce soit dans celui même du budget de la commune.




