En terminale au Lycée Communal de Muhanamboko, Fidèle Nibigira a passé les grandes vacances dans l’atelier de couture de la serviette hygiénique réutilisable que promeut SaCoDé. Et il s’apprête à y revenir …
Quand il s’exprime, Fidèle fait un peu comme tous les jeunes de son âge, avec ses 19 ans : il explique ses origines modestes en kirundi, parle de sa scolarité avec des mots en français, et évoque l’avenir en glissant spontanément quelques anglicismes.
Visage calme, regard un peu timide, il a le dos voûté d’être si souvent derrière la machine à coudre familiale, depuis sept ans. Son père ? « Un maçon qui se fait vieux. On ne l’embauche plus souvent, de peur qu’il ne dégringole des échafaudages d’un chantier du haut de ses 62 ans. » La maman ? Agricultrice.
Chez eux, il y a 8 enfants, donc 3 garçons. Il est le quatrième.
Jusqu’à ses douze ans, son parcours ressemble à celui des milliers d’autres adolescents de ces hautes contrées surplombant la capitale, qu’on évoque sous le vocable de « Bujumbura rural ». Famille pauvre, tribulations de la guerre, la vie à flanc des collines qui n’en finissent pas, et des visites irrégulières dans la capitale, desquelles ont revient avec plein d’images… Fidèle rêve « dans ses targets » de devenir informaticien.
Puis, en 2009, le paternel décide d’acheter une machine à coudre familiale. Ses revenus commencent à péricliter avec l’âge, « il fallait diversifier les incomes », se rappelle Fidèle. Une de ses grandes-sœurs s’y met aussitôt. Pendant plusieurs mois, le jeune écolier observe comme elle pédale, place les tissus sous l’aiguille, engraisse la courroie ou sélectionne les boutons à placer sur les commandes des tenues. Et finit par demander à grand-sœur de lui apprendre à coudre.
Après quelques mois d’entraînement, le voilà qui se met à chercher des clients à son tour, pour subvenir à ses modestes besoins d’adolescent. Ses parents sont aux anges : « Coudre lui procurait de l’argent et le tenait loin des compagnies pas toujours heureuses », se rappelle la maman.
Un job d’été
Fidèle fera la rencontre avec SaCoDé l’été dernier. Avec l’expansion de la demande de la serviette hygiénique Agateka, l’urgence des mains expertes pour coudre vite et bien se fait pressante. Ceux qui sont dans les ateliers SaCoDé sont en majorité des femmes et filles défavorisées venant de Bujumbura « rural ».
Et voilà qu’un jour se pointe un jeune élève, qui lui aussi « veut coudre pour aider les filles du Burundi ». La SaCoDé reçoit la candidature avec beaucoup de curiosité. Trois mois plus tard, le constat est sans appel : « Il est le plus rapide de toute l’équipe, avec la meilleure finition », témoigne Françoise Nibizi, Directrice de l’ONG.
Un profil qui devrait inspirer plusieurs, ajoute Mme Nibizi : « C’est important de souligner comment Fidèle n’a pas attendu une main extérieure pour se tracer un chemin. Et puis voir ce jeune homme coudre une serviette hygiénique malgré tout le tabou qui entoure la sexualité féminine est rafraîchissant ».
Pour Fidèle, les trois mois dans l’atelier d’Agateka ont été « une belle aventure : j’y ai gagné de l’argent pour préparer ma rentrée scolaire, et découvert le monde féminin. » De telle sorte qu’il envisage sérieusement de chercher une formation en « hôtellerie et tourisme » pour prolonger sa passion pour la couture… En attendant, début juillet prochain, il sera de retour dans l’atelier du 11, Avenue de France, à Rohero…