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Education inclusive: une seule machine Perkins pour 67 élèves non-voyants au lycée Kanura

Chaque 10 octobre, le monde célèbre la journée mondiale de la vue. Le lycée Kanura est l’un des rares établissements qui accueillent les enfants non-voyants sur le même banc que ceux qui voient. Bien que cette politique leur est bénéfique, les défis ne manquent pas… Reportage

Il est 13h45 minutes. Sous un soleil de plomb, les élèves (externes) au lycée Kanura rentrent de l’école. Dans la cour de l’établissement situé à Gihanga, en province Bubanza, les internes, tous des non-voyants, attendent impatiemment le signal pour rejoindre le réfectoire. Créé en 1989, l’établissement avait comme mission principale l’éducation des non-voyants, comme l’explique son Directeur, Ernest Nindagiye: «Ces enfants étaient à tort, et ils le restent malheureusement, pris pour des incapables. On a voulu rayer ce préjugé et donner la place qu’il faut à cette catégorie d’élèves. Ils sont capables de faire beaucoup d’exploit

Ainsi donc, au total, le lycée compte autour de 183 élèves, avec le fondamental et le post-fondamental où l’inclusion a eu sa place dans les deux derniers cycles de formation secondaire. Dans une classe de 30 élèves, au moins 5 sont des non-voyants: « Cette année, la DCE a orienté un nombre important de nouveaux enfants. Parmi 60 élèves (dans la classe de 7ème), 9 nécessitent un suivi particulier. Ils sont non-voyants et ont besoin avant tout d’être intégrés » fait savoir le Directeur.

Tablette et poinçon, synonymes de cahier et stylo

Ne pouvant pas écrire avec un stylo, ils utilisent des tablettes et des poinçons pour prendre des notes: «Il nous est difficile d’être au même niveau que les autres. Ça demande un sacrifice énorme pour prendre les notes quand le professeur ne dicte pas. On est toujours en arrière » se plaint Ami Patient Akumwami, qui passe sa première année post-fondamentale au Lycée Kanura.

Pour comprendre les défis d’une éducation inclusive au Burundi

De son côté Emelyne Nshimirimana, élève en 9ème fondamentale, fait savoir qu’ils attendent que les professeurs procurent les notes à leurs condisciples pour qu’ils puissent les prendre pendant les heures libres ou les weekends: « Heureusement que nos collègues nous aident dans la prise de notes, sinon on serait toujours en retard » soupire-t-elle.

La tâche n’est pas facile pour les enseignants aussi: «Il est délicat d’enseigner les non-voyants avec ceux qui ont une bonne vue. Les méthodologies sont très différentes, et les non-voyants nécessitent une attention très particulière. Par exemple, quand on dispense des cours en rapport avec les opérations mathématiques, on écrit au tableau pour les normaux, et on fait un tour dans les rangées, pour suivre l’évolution de chaque élève non-voyant (emplacement des cubes dans le cubarithme) » Révèle Libère Nijimbere, enseignant du 6ème primaire.

Pour améliorer la qualité de l’enseignement, la direction s’est dotée d’une machine Perkins, (spécialisée dans l’écriture braille): « Malheureusement nous n’en avons qu’une, pour 67 enfants non-voyants » regrettera le Directeur de l’établissement.

Quels en sont les retombées?

Le mot qui revient le plus souvent est lenteur. Bien que l’inclusion ait été mise en application dans ce lycée, les défis ne manquent pas: « Parmi le personnel, nous n’avons que 9 qui savent l’écriture braille. A défaut de la Perkins, ces 9 personnes essaient de prendre les notes des élèves pour qu’ils soient à niveau avec les autres, ce qui est une mission difficile à accomplir » explique le Directeur.

Conséquence: le programme proposé chaque année n’est souvent pas épuisé, les non-voyants devant être suivis avec délicatesse. Quant à la science, elle est n’est pas le plat favori pour les non-voyants, à l’exemple du dessin, presque impossible à appliquer. Du coup, Kanura n’a que la section langue seulement.
En attendant d’éventuelles améliorations, les pensionnaires du lycée apprécient le pas deja franchi, comparé aux milliers d’écoles que compte le pays.

Un reportage réalisé par Peace Sekamwese dans le cadre du stage au sein du Magazine Jimbere comme un ancien du programme « Enfants journalistes » de l’UNICEF Burundi.

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