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Discours de justice populaire : un message aux allures simples mais dangereux

Des messages appelant à la vindicte populaire circulent ces derniers temps et peuvent aboutir, prévient Blaise Izerimana, socio-anthropologue aux violences de masse. Comment les détecter pour mieux les contrecarrer ? Quelques éléments de réponses.

Qu’est-ce qui caractérise un discours qui appelle à la justice populaire ?

C’est un discours qui incite des individus à se faire justice eux-mêmes d’une manière violente en représailles à un crime présumé, ou en réponse à une menace perçue. Au Burundi par exemple, des crimes pareils ont été commis à l’endroit des gens accusés de sorcellerie. C’est également un discours qui dénigre la justice classique comme nous la connaissons et qui appelle la population à passer outre ce canal avec une volonté de se faire soi-même justice.

Blaise Izerimana, socio-anthropologue: « La population doit avoir un esprit critique, ne pas absorber tout ce qui est dit par des leaders quel que soit leur degré d’influence dans la société »

Qu’est-ce qui poussent des gens ou différents leaders à utiliser ce genre de discours ?

Certains se croient au-dessus de la justice et ne voient aucun avantage de traduire un suspect devant les juridictions. Ils prônent l’exécution d’un présumé criminel sans autre forme de procès. D’autres le font consciemment pour commettre des dégâts ou des crimes en se cachant derrière cette justice populaire : cela peut être l’élimination d’une cible appartenant à un groupe rival ou l’élimination d’un potentiel concurrent au sein du même groupe. Ils passent alors par cette manœuvre pour inciter la population à se faire justice tout en ayant quelqu’un qui les intéresse dans le viseur pour le faire tomber. L’autre catégorie est celle des personnes qui n’ont plus pas confiance dans les instances judiciaires et qui se demandent à quoi cela sert d’amener des pseudos criminels devant les juridictions pour les revoir libres le lendemain. En dernier lieu, nous voyons des leaders voire des administratifs utiliser ce discours par ignorance du danger que leurs propos peuvent provoquer. C’est ainsi comme je le disais tantôt, des gens ont été lynchés, accusés de sorcellerie, suite aux messages des administratifs qui les ont incités à pratiquer cette justice populaire. 

Que peuvent être les effets de ces discours dans un contexte post-conflit ?

Les effets sont très vastes et néfastes, j’en citerai quelques-uns seulement. Le Burundi étant une société où la population croit en la parole du chef. Si un administratif encourage à se faire justice soi-même, c’est que demain nous entendrons mourir des gens, exécutés par une masse chauffée à blanc alors qu’ils n’ont jamais comparu devant la justice. Cette pratique peut également aboutir aux tensions entre membres de la communauté si l’on ne fait pas attention, car les victimes de cette justice populaire ont des familles, appartiennent à des groupes sociaux, religieux et même ethniques. Leurs proches peuvent vouloir rendre la pareille.

Quels comportements devraient adopter les récepteurs de ces messages ?

La population doit avoir un esprit critique, ne pas absorber tout ce qui est dit par des leaders quel que soit leur degré d’influence dans la société car ils sont sujets aux intérêts dont ils défendent, et donc ils peuvent passer par cette justice populaire pour manipuler les citoyens. Savoir écouter son cœur : il ne faut pas s’en prendre à une personne par émotion. Tu entends dire que telle personne a fait ceci ou cela et tu t’en prends à lui ou à elle sans réfléchir. Il faut toujours raisonner, prendre un temps de réflexion même lorsqu’on a des problèmes avec son prochain, porter l’affaire devant la justice et la laisser faire son travail et punir conformément à loi celui ou celle qui est reconnu comme étant coupable. La population doit garder à l’esprit que si des conséquences surgissent à cause de cette justice populaire, c’est elle qui en pâtira le plus. Elle doit apprendre à déconstruire ce discours par des réunions entre membres de la communauté, un dialogue permanent pour éviter de tomber dans le piège de ceux qui veulent la manipuler.

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