Les lettres burundaises ont encore fourni. Le nouveau-né, est le premier roman de Jeanne d’Arc Nduwayo, brut et sans fioritures. Un récit qui, avec ses 290 pages, est tout sauf un rejeton …
L’écriture de ce roman a dû prendre plus de 3 ans : le temps qu’il faille à une brave femme, épouse, mère et fonctionnaire, pour passer au crible et secouer les démons d’une société burundaise dans toute sa phallocratie. Tenez-vous bien, quand la modernité érode la tradition, la femme est aux premières loges. Elle doit combattre pour changer sa condition, briller malgré les ténèbres dans lesquelles lui plonge sans cesse le patriarcat.
C’est l’histoire de Martha, protagoniste du roman, d’où la métaphore même du titre « Les paillettes » : ces minces lamelles très brillantes que l’on coud comme ornement sur un tissu ou sur le visage. Mais attention, pour que les lamelles brillent à suffisance, il faut que la surface sur laquelle elles sont incrustées, soit sombre. Le récit est un hommage à toutes ces femmes qui réussissent malgré que tout soit sombre autour d’elles.
Martha, la force de la persévérance
Tout le village rend hommage à la jeune Marceline, l’autre personnage du roman. En effet, elle est la première fille de la région à réussir le Concours National, ce roc sur lequel la plupart des rêves des jeunes filles s’échouent, profitant aux mâles en quête des fiancées. Contre toute attente, Marceline ne fait pas exception et va aussi raccourcir ses études en épousant Mathias. Peu de temps après le mariage voilà que son mari est tué par des voleurs de nuit, malheur à Marceline.
Pourquoi n’a telle pas plutôt continué avec ses études ? ça y est le contre-exemple à donner à toutes les filles qui refusent d’étudier pour se marier, c’est elle. Martha fera tout pour ne pas être comme Marceline. Forcée au mariage, dans son périple, elle rencontre plusieurs péripéties qui vont vite prendre le dessus à ses études. Engueulades et bastonnade de son mari qui ne veut pas la voir étudier vont faire son quotidien. C’est ça le mal du patriarcat fustigé dans le roman, l’ascenseur social est verrouillé pour les femmes.
Malgré tout, Martha ne va pas rester les bras ballants. Tiraillée par la tradition et la modernité, elle saura s’imposer malgré tout. De l’autre côté, la veuve Marceline saura également tenir les rênes et finira députée comme quoi à cœur vaillant, rien n’est impossible, ce malgré son genre.
Vouloir, c’est pouvoir
Entre les lignes du roman, l’auteure expose les maux du patriarcat qui rendent la femme vulnérable. Pour elle, la société où la femme ne participe pas pleinement à la construction de la communauté fonce droit vers sa perte. L’auteur transporte les lecteurs au les réalités indigestes de la campagne burundaise matérialisée par l’enclos familial et l’entourage « ikibano », en toutes ses manifestations du patriarcat.
Sans toutefois oublier la ville, autrement dit le milieu des « évolués », symbolisé par la bureaucratie, mais où le patriarcat persiste aussi. Comme dans un exercice de décharge psychologique, L’auteure veut parler de tout, détailler quitte à faire plusieurs pages, on sent une plume frustrée, pleine de réminiscences. En adoptant le pronom « Je », l’auteure fait plutôt chair avec son récit, et le dote d’une dimension plus réaliste.
Pour Mme Nduwayo, le message est très simpleː « Je veux dire à mes consœurs que vouloir c’est pouvoir, et surtout que les femmes sachent que nous ne nous émanciperons pas sans le concours de l’homme. Le combat de l’émancipation que nous menons doit se faire dans une logique de complémentarité, et de strict respect de la culture ».
La quarantenaire qui a fini par prendre goût à l’écriture, pour son prochain roman, dit concocter l’histoire d’une femme qui trompe son mari. La plume n’aura jamais été aussi servile. On sait déjà à quoi nous en tenir. En attendant, lisons « Les paillettes » en vente chez l’auteure, et disponible également sur Amazon.