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L’avocat, sur les traces d’un comestible qui se raréfie

Sur les étals au niveau du marché dit de "Cotebu", un avocat se vend à 1.500 Fbu

Naguère omniprésent dans presque dans tous les repas des Burundais, l’avocat a déserté le panier de la ménagère, n’étant plus à la portée de la plupart les bourses. Qu’est-ce qui explique ce changement et cette hausse du prix? Jimbere s’est rendu à Muyinga, Gitega et Kayanza. Reportage

Il te faudra au moins 1.500 Fbu pour t’acheter, ne serait-ce qu’une pièce d’avocat, quel que soit le coin où l’on se trouve en Mairie Bujumbura. Ce montant n’est guère négociable sur les étals au niveau des marchés à l’intérieur du pays. Sur son assiette, le commun des mortels jeûne l’aliment qui se mange à toutes les sauces, dans un contexte économique où l’inflation reste élevé, à 15,9% pour le mois de juin 2024: « On était habitué à prendre le petit déjeuner, avec à sa table un pain accompagné d’un avocat, mais on ne peut plus se le permettre car ce dernier est hors de prix », se lamente un citadin croisé au cœur de la capitale économique.

« Nos marchandises ne trouvent plus preneurs vu qu’elles sont hors de prix[…] »- les vendeurs d’avocats au marché de Cotebu

D’après des vendeurs au marché dit « de Cotebu« , depuis quelques mois, le coût de l’avocat connaît une hausse sans précèdent. Une situation qui s’explique par la problématique de transport due à la pénurie sévère et persistante du carburant: « Nos marchandises ne trouvent plus preneurs vu qu’elles sont hors de prix, et périment faute de moyens de conservation. Les pertes sont énormes, se désole une commerçante au milieu des stands réservés aux fruits. Une pièce d’avocat qui s’achetait auparavant à 500 Fbu, se vend aujourd’hui à 1.500 Fbu, pour récupérer un minimum de bénéfices puisque le coût de transport a presque triplé. »

Pourtant…

Gitega, réputée terreau d’avocats, n’est que dorénavant l’ombre d’elle-même. La capitale politique souffre aussi de la cherté de ce comestible. Il suffit de prendre le chemin du marché pour se rendre à l’évidence. Même les restaurants qui en servaient au rabais, question de fidéliser la clientèle, ont dû changer leur fusil d’épaule. « Apporter son avocat à table est devenu un luxe. Imaginez si tu l’acquiers à 1.000 ou 1.500 Fbu, combien te restera-t-il pour casser ta croûte, au moment où le tarif des menus est également devenu cher? », s’interroge un fonctionnaire, le regard morne fixé devant son assiette dans un restaurant populaire en plein centre-ville Gitega.

Saisissant ! A quelques encablures, c’est le même désarroi au marché. Tant les commerçants, les agriculteurs, l’administration ou les acheteurs, personne n’est sûre d’expliquer pleinement la raison de cette flambée. Néanmoins, une vendeuse d’avocats indique que « selon ses fournisseurs, il est raisonnable de revoir à la hausse le prix d’avocats puisque les prix des autres denrées alimentaires ont grimpé. »

Cette hypothèse contraste avec celle de Éric*, un habitant du coin. D’après lui, « le rythme de déracinement des avocatiers en quête du charbon en milieu rural est inquiétant. Les charbonniers disent qu’ils sont plutôt rentables. »

Un circuit flou du commerce d’avocats

Du marché de Gitega aux champs d’avocatiers, il n’y a que quelques dizaines de kilomètres. Direction: commune Giheta, au nord de la province, tout précisément sur la colline Murayi, un véritable vivier d’avocats. Ici, un couvert verdoyant domine tout le paysage. Différentes plantations gardent leur couleur verdâtre, en cette saison sèche.

Sur le chemin, Aloys*, un paysan de cette contrée, tient la houe sur l’épaule et un petit sac d’haricots dans son bras droit. Interpellé sur la question, ce paysan n’y va pas par quatre chemins. Des individus dont ils ignorent l’identité, confie-t-il, viennent souvent s’approvisionner en avocats dans cette contrée: « A ma connaissance, la plupart d’entre eux sont originaires des provinces Muyinga, Kayanza et Ngozi. Ils roulent dans des véhicules et se pointent ici lors de la récolte de ce comestible.  Ils m’ont même déjà payé 15.000 Fbu cash, en décembre 2023, pour cueillir tous les avocats d’un seul arbre fruitier. »

Pas très loin, Violette* porte un bidon d’eau sur la tête. Elle aussi a des plants d’avocats chez elle. Quand arrive la période de récolte, témoigne-t-elle, c’est une aubaine:« On négocie entre 150.000 Fbu et 20.000 Fbu un sac d’avocats. C’est un supplément qui me permet de subvenir aux besoins de ma famille, se réjouit d’emblée cette cultivatrice. Il se peut que les avocats se raréfient puisque sa valeur augmente du jour au lendemain. L’année dernière, le sac s’achetait entre 5.000 et 8.000 Fbu, et voilà aujourd’hui le prix a presque doublé », glisse-t-elle.

Impossible de savoir le marché d’écoulement de cette production de Giheta. Difficile aussi d’identifier ceux qui fournissent les marchés, ni la quantité vendue et tout le dispositif qui va avec. Aucune structure en place qui régule ou réglemente sa commercialisation. Nous avons essayé de contacter l’administration provinciale pour plus de renseignements, en vain.

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