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Agateka, pour préserver la dignité des Burundaises

SaCoDé a décidé de populariser la fabrication d’une serviette hygiénique réutilisable pour répondre à la détresse des jeunes élèves et femmes qui manquent de sous-vêtements …

Au crépitement des machines se mêlent soudain les cris d’un bébé qui n’en peut plus d’attendre sa maman. Celle-ci lâche le tissu, les fils, décolle ses pieds de la pédale pour s’occuper du nourrisson.

Nous sommes dans l’atelier de fabrication de la Serviette Agateka, au siège de SaCoDé, une organisation qui travaille dans la promotion de la santé des communautés. Entre deux rangées de machines à coudre, des rouleaux de tissus s’étalent. Le tout fourni par le Fonds des Nations Unies pour la Population – FNUAP, qui a été séduit par le projet.

Françoise Nibizi, fondatrice et Directrice de SaCoDé en explique l’origine : « Plus de 75 % de Burundaises ne peuvent pas avoir accès à une serviette hygiénique, dont le prix est autour de 1.500 Fbu (autour d’un 1$). C’est une somme trop importante pour une large majorité des ménages ruraux, pour qu’elle soit dépensée mensuellement à acheter une serviette d’usage intime ou deux pendant plusieurs jours. Et comme les menstrues relèvent d’un tabou dans la culture burundaise, personne n’en parle. »

La Directrice de SaCoDé, avec la serviette hygiénique Agateka : « Après usage, il faut laver à l'eau chaude, et sécher au soleil » ©Gwaga

La Directrice de SaCoDé, avec la serviette hygiénique Agateka : « Après usage, il faut laver à l’eau chaude, et sécher au soleil » ©Gwaga

Or, rappelle la Directrice de SaCoDé,  « avoir ses règles n’est ni une maladie, ni une malédiction. C’est plutôt une bénédiction, un des signes d’une santé sexuelle et reproductive normale chez une femme. » D’où, d’ailleurs, le nom donné à la serviette hygiénique lavable de SaCoDé, Agateka (qui veut dire « dignité » en kirundi).

Des conséquences sur la santé

Car les concernées sont obligées de se rabattre sur des moyens de bord pour contenir l’écoulement des règles. Celle-ci utilisera des chaussettes bourrées de sable lors de ses menstrues pour ne pas rater un examen, celle-là fera recours à des morceaux de tissus prélevés sur de vieux pagnes, ou alors prendra des feuilles de bananiers, alors que les plus chanceuses parviennent à se fabriquer des pseudo-serviettes avec des chiffons arrachés à des matelas usagés.

Une situation compliquée par le fait que rares sont les femmes burundaises en milieu rural qui portent de slip : « Nous avons eu plusieurs témoignages des copines qui portent deux ou trois slips à tour de rôle, suivant celle qui est en règles. Le reste du temps, ces sous-vêtements sont conservés comme des biens précieux », raconte le Dr Eric Niyongabo, en charge de la plate-forme SMS dédiée à l’éducation sur la santé sexuelle et reproductive (SSR).

Le coût de cette débrouillardise est terrible pour la santé : infections vaginales diverses, irritations et apparitions de boutons qui donnent une continuelle envie de se gratter, écoulements vaginaux putrides qui indisposent. Pour éviter la honte d’un regard de travers, la plupart des filles en règles ne quittent plus le domicile parental. Ce qui a une incidence directe sur leurs rendements scolaires, la mobilité des femmes plus âgées étant elle aussi réduite, avec une baisse conséquente des revenus familiaux.

Agateka: les unités de production

C’est donc pour répondre à ce problème que SaCoDé a lancé la production de la serviette hygiénique réutilisable Agateka, qui se décline aussi comme un slip grâce aux bretelles d’attache qu’on peut fermer autour des hanches. « En attendant que le pouvoir d’achat moyen permette de s’acheter des serviettes hygiénique jetables, l’urgence est que les décideurs comprennent et soutiennent Agateka, qui peut durer deux ans », a expliqué Mme Nibizi. Mission difficile, sachant que la grande majorité de ces décideurs sont des hommes qui répugnent d’aborder un sujet aussi « gênant » que les règles.

Le rêve de la présidente de SaCoDé ? Que l’on glisse à la rentrée scolaire et dans chaque cartable d’une adolescente burundaise un jeu de serviettes hygiéniques : « Celles-ci sont des impératifs pédagogiques pour nos filles tout comme le sont le cahier et le stylo. On ne peut pas parler d’égalité entre les genres quand certains étudient tout le mois, les autres trois semaines par mois pour cause de règles. »

En attendant que la campagne de promotion d’Agateka porte des fruits au niveau national, SaCoDé abrite un atelier de couture de ces serviettes, grâce au financement du FNUAP. De jeunes femmes venues de l’ABUBEF, du Centre Jeunes de Kamenge et de SaCoDé en sortiront avec des projets d’unités de production d’Agateka dans leurs organisations respectives.

 

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