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Près de 5 mille abandons scolaires en 2 mois suite à la précarité alimentaire due au manque de pluie

Alors que la rentrée scolaire du 12 septembre 2022 avait débuté avec un total de 195.387 élèves dans toute la province de Kirundo au nord du Burundi, jusqu’au 15 novembre, 4.819 élèves ont déserté les salles de classe. Une disette qui ne dit pas son nom se fait sentir dans bon nombre de familles. Les cantines scolaires peinent à ouvrir.

Kirundo est parmi les provinces les plus touchées par des aléas climatiques, la pluie manque dans cette région qui pourtant possèdent des lacs et des rivières, de l’eau pouvant servir pour l’irrigation.

Dans les conditions normales, la saison des pluies commence avec le mois de septembre concordant avec la rentrée scolaire. Les familles cultivent dans l’espoir de se nourrir et surtout donner à manger à leurs enfants quand ils rentrent de l’école, fait savoir Léandre Nkunzimana, directeur provincial de l’enseignement à Kirundo.

Mais au lieu de la pluie attendue avec impatience par les paysans, c’est le soleil qui s’obstine à rester, dardant de ses rayons ardents les quelques cultures se trouvant dans les champs secs dans presque toute la province de Kirundo.

Plusieurs familles ont labouré leurs terres mais n’ont pas osé semer, et celles qui se sont précipité à semer ont vu les feuilles et les tiges des jeunes plants flétrir. Le spectre d’une disette s’empare de plusieurs ménages. Et cette précarité alimentaire a des répercussions sur la plupart des élèves.

Les cas d’abandons scolaires au cours de ce premier trimestre alertent : A Busoni, 2002 cas ont été déjà enregistrés, à Ntega, les abandons sont au nombre de 675 cas. La commune Bugabira affiche un chiffre de 592 abandons scolaires, tandis que la commune de Kirundo comptait déjà 550 cas, Vumbi a déjà constaté 347 cas, Bwambarangwe fait état de 292 élèves qui ont déserté les salles de classe et enfin Gitobe qui a déjà dénombré 161 cas d’abandons scolaires.

Au total, c’est 4.819 cas sur un total de 195.387 élèves qui avaient commencé l’année scolaire de 2022-2023, et la majorité sont du premier cycle du fondamental. La Direction provinciale de l’enseignement à Kirundo confirme.

D’après cette direction, le mobile est surtout le retard en approvisionnement des vivres dans les écoles à cantines scolaires, car, les élèves ont déjà l’habitude de se restaurer à l’école.

Léandre Nkunzimana, directeur provincial de l’enseignement à Kirundo

Kirundo sous un soleil accablant…

Le gouverneur de la province de Kirundo, Albert Hatungana reconnaît les conséquences du changement climatique observées depuis le mois de septembre dernier : « Des cultures ont fané, il y a eu retard du semi de tout un mois, Kirundo enregistre une certaine migration des habitants vers d’autres provinces ou pays limitrophes, des abandons scolaires, etc. Les communes les plus exposées à la sécheresse sont entre autres Bugabira, Kirundo, Busoni et Gitobe ».

Ce gouverneur fait savoir qu’il y a encore de l’espoir. « Normalement, dans le mois de décembre, il devrait y avoir des récoltes. Mais voilà qu’aujourd’hui la pluie commence à pleuvoir en mi-novembre. Des gens sèment de nouveau leurs cultures, mais, nous espérons que certains vont avoir de la récolte, à condition que la pluie continue jusqu’au mois de janvier ».

Les défis qui hantent l’agriculture à Kirundo

A part la saison sèche qui a de plus en plus tendance à se prolonger, s’ajoute l’explosion démographique et le fait de ne pas tirer profit des ressources des eaux des lacs et rivières, comme le témoigne Kayobera, agriculteur de cette province.

Par rapport à ces contraintes, Léonidas Rivuzimana, directeur du Bureau provincial de l’environnement, de l’agriculture et de l’élevage (BPEAE), met en évidence la surpopulation de Kirundo. Actuellement, Kirundo compte un million près d’habitants, majoritairement venus des autres provinces à la recherche des terres arables après avoir entendu la réputation productive de Kirundo. Comme conséquence de cette surpopulation, les terres cultivables s’amenuisent et les récoltent diminuent.

S’exprimant sur une des solutions envisagées pour faire face au déficit hydrique dans cette province, Léonidas Rivuzimana mentionne que les moyens techniques requis font défaut. « On ne peut faire l’irrigation que sur un rayon de 50 ou 100 m du bord du lac ou de la rivière. Kirundo est une terre plate, ceux qui cultivent dans les plateaux ne pourront pas comment irriguer leurs champs. Avec nos moyens, on pourrait à peine couvrir les 1.000 ha surplombant le lac. Ainsi, c’est logique que cette superficie irrigable ne puisse en aucun cas nourrir le million d’habitants de toute la province ».

L’irrigation comme remède au manque de la pluie

Comme solutions, le directeur du BPEAE donne des pistes : « Sous l’appui de l’ONG, Food for the Hungry, nous allons pomper de l’eau pour pouvoir irriguer 10 ha dans la commune Bugabira. Pour la commune Busoni, environ 10 ha seront également couverts sur financement de la même ONG. Il y a un autre projet de grande envergure dans la même commune de pompage de l’eau sur environ 500 ha en partenariat avec le PNUD ».

C’est sur la colline de Gatete, en commune de Busoni, au niveau du lac Rweru que se réalise ce projet. Malgré les dépenses énormes déployées, Marc Harerimana, chargé de veiller sur des infrastructures composées de 1026 panneaux solaires et trois moteurs servant de pompage de l’eau jusqu’au sommet d’une montagne où se trouve un château d’eau pour la distribution de l’eau vers les champs situés en bas de colline, affirme que ce projet est en passe d’échouer. « On a dépensé des sommes énormes d’argent pour réaliser ce projet. On a fait des essais de pompage de l’eau, mais cet essai n’a pas duré car le point de captage d’eau sur le lac Rweru a tari et a laissé les tuyaux et les moteurs à découvert et les herbes commencent à pousser dessus », se désole-t-il.

Il explique : « Les ingénieurs et les techniciens avaient calculé le point de captage pendant la saison pluvieuse et il y avait montée des eaux. » Quand l’eau s’est retirée avec la sécheresse, fait-il savoir, les tuyaux ne pouvaient qu’aspirer la boue, on a creusé un grand trou au bord du lac mais là aussi l’eau n’y est pas et les activités de réaménagement sont à l’arrêt, il y a 6 mois, déplore cette sentinelle.

Néanmoins, malgré ces efforts de pompage d’eau sur des superficies éloignées des sources dans certaines communes, les problèmes techniques persistent comme le fait savoir le directeur du BPEAE. « Le Burundi n’a pas encore les moyens nécessaires pour les travaux comme ceux-ci dont le pompage par un système photovoltaïque », souligne-t-il.

Comme voie de sortie, Léonidas Rivuzimana propose la disponibilité de l’électricité, ou revoir carrément le dispositif photovoltaïque préconisé pour pomper l’eau des lacs afin d’irriguer les cultures, explique-t-il.

Le directeur du BPEAE confie que si les moyens techniques venaient à être rassemblés de manière à irriguer toutes les superficies cultivables identifiées, Kirundo redeviendrait certainement le grenier du Burundi, comme avant.  

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