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UmuzingaDay2022 : l’agro-industrie sinon rien

Les Burundais s’approvisionnent à hauteur de 95% en produits agricoles pour leur alimentation. A part son secours incontournable à la sécurité alimentaire, l’agriculture constitue le moteur du développement économique du Burundi. Pour booster ce secteur, les investissements du secteur privé devraient prendre le devant. Le diagnostic du secteur privé burundais ainsi que le débat à l’occasion du forum UmuzingaDay en disent long sur cette affirmation.

Ce n’est pas pour rien que l’année en cours a été dédiée à l’agriculture par le Président du Burundi. En plus de l’alimentation directe, elle est le principal fournisseur de la matière première du secteur de l’agro-industriel. Selon les conclusions du rapport du diagnostic du secteur privé, « l’agriculture est le potentiel moteur de l’économie du pays. Pourtant, ce secteur reste adynamique, avec une faible valeur ajoutée et ne fournissant pas d’emplois de qualité bien qu’il soit le secteur d’emploi clé pour la main d’œuvre burundaise. »

A l’origine de la défaillance

Comme cause de la faible productivité du secteur, l’étude note, entre autres, les terres agricoles, très étroites : « Les agriculteurs sont en majoritairement de petits exploitants, cultivant en moyenne 0,14 hectare de terre pour les cultures vivrières. » La dégradation des sols, le faible niveau d’adoption des technologies modernes, les mécanismes d’approvisionnement en intrants moins rassurants sont ciblés comme défis.

S’il faut assurer la réussite de l’agriculture dans notre pays, il faut miser sur le renforcement de la chaîne de valeur de tous les maillons (production, transformation, commercialisation,) mais aussi, et surtout, la recherche. « Quand celle-ci n’a pas sa bonne place, les paysans n’ont pas de bonnes semences, et pour les cultures et les espèces animales », explique le Pr Jean Ndimubandi, lors de son intervention au cours du forum. Sans recherche, les projets agricoles ne peuvent pas se pérenniser. Pr Ndimubandi donne l’exemple des vaches importées d’Allemagne, à l’époque où il présidait l’Isabu : « Pour les vaches qui devraient, dans les conditions normales, donner plus de 40 litres par jour, 17 litres à peine étaient disponibles. »

Le diagnostic fait aussi état des systèmes d’innovation agricole encore rudimentaires, un manque de compétences et d’expertises dans les chaînes de valeur, etc. Chaque maillon de la chaine mérite d’être renforcé. Pr Ndimubandi insiste également sur la consommation. « Alors qu’on devrait consommer local, du lait en poudre importé des Pays-Bas reste encore disponible et apprécié chez nous en défaveur du meilleur produit burundais. Déplorable ! », souligne-t-il.

Elevage, le laissé pour compte

L’élevage contribue à l’alimentation et à l’économie des Burundais, mais dans de moindres proportions que l’agriculture. Juma Mohamed, le DG de la « Modern Dairy Burundi », paneliste dans « UmuzingaDay » plaide alors pour l’élevage. Selon lui, ce secteur devrait, en principe, être soutenu à la même hauteur que l’agriculture. Néanmoins, « sur le montant de 213 milliards de subvention que le gouvernement accorde à l’agriculture, rien n’est réservé à l’élevage », regrette-t-il.

« Après l’achèvement du programme Prodefi, les 20.000 vaches laissées aux gens ne sont plus reproductives, les bénéficiaires n’ayant pu s’approprier la technique d’insémination artificielle. » Et, toujours selon Juma, cela témoigne d’un manque d’appropriation du projet. Le financement de mesures d’accompagnement s’avère indispensable, insiste-t-il.

Il plaide aussi pour la mise en place d’un organe de régulation de la filière lait au Burundi, « le seul pays de la Communauté Est Africaine qui n’en dispose pas encore ». Cet organe aura comme mission de veiller à la qualité du lait commercialisé, chercher et canaliser les financements en faveur de la filière, mais aussi pousser les éleveurs et les collecteurs de lait à miser sur la recherche et adopter de meilleures pratiques pastorales.

La problématique des financements

Le secteur agricole au Burundi présente plusieurs avantages naturels dont une main d’œuvre agricole abondante et bon marché. Le microclimat offre la possibilité de cultiver toute une gamme de cultures au goût extraordinaire. Bien plus, la pluviométrie abondante, avec 6 à 9 mois de précipitations l’année, assure trois saisons culturales et le vaste réseau hydrographique confère un grand potentiel d’irrigation.

Malgré tous ces atouts, l’accès limité aux financements, surtout de long terme, demeure un handicap majeur pour le développement de l’agriculture. L’argumentaire de Marie Müque Kigoma, la directrice générale et fondatrice de « Fruito » – une entreprise dans la transformation du jus des fruits de la passion depuis 1989 – est explicite : « Quand on plante un manguier ou un papayer, on doit attendre respectivement sept et deux ans pour cueillir les premiers fruits. Les crédits à court terme avantagent peu les investisseurs dans l’agro-industrie. » 

Face à ce défi, Marie Louise Nsabiyumva, à la tête de la microfinance CECM, n’est pas convaincue par les propos du ministre selon lesquels le FIGA, Fonds d’Impulsion et d’Accompagnement Agricole   serait la réponse à la réticence des institutions financières d’opter pour le libre financement d’un secteur aussi à haut risque que l’agriculture. Elle insiste plutôt sur la mise en place d’une assurance agricole, qui peut protéger efficacement les producteurs en cas de pertes suite aux aléas climatiques.

Le forum national du secteur privé baptisé « UmuzingaDay » par le Président émane des recommandations du premier forum national de développement du Burundi. Son but est de réunir les opérateurs économiques, les décideurs politiques et les partenaires au développement pour analyser et réfléchir aux réformes susceptibles de dynamiser le secteur privé.

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