Le site, au cœur de la capitale économique, devrait être vitrine de la diversité de la faune du pays. Pourtant, il ne vit pas ses meilleurs jours. La gente animale qui y habite s’ennuie, et tire le diable par la queue. Quel est donc son avenir ? Reportage.
Il est 10h du matin. Un soleil clément brille sur Bujumbura, un bon climat pour effectuer une petite visite au « grand » musée. Près du croisement de l’avenue du Lac et la rue du 13 otobre, la clôture du musée vivant de Bujumbura est ornée des dessins d’animaux. A l’entrée du site, quelques boutiques d’objets d’art attirent l’attention des passants. Un peu à droite, quelques hommes, sûrement des guides touristiques en attente peut-être des clients.
A première vue, ce n’est pas la grande affluence des éventuels touristes. Un air désert et fantomatique pèse sur ce site incarnant aussi la richesse artistique et culturelle du Burundi. Des arbres géants aux feuillages immenses protègent le musée contre le soleil. Côté animal, le guide est si impatient de faire son travail, après que le client ait payé les 2 000 Fbu de droit d’entrée, la visite peut commencer, et généralement par la case des crocodiles.
Ceux-ci sont logés séparément mais les habitats sont proches les uns des autres. Ils sont au nombre de huit, et sont tous sortis de l’eau pour profiter du doux soleil matinal. Leurs loges sont constituées d’un bac cimenté de quelques mètres carrés. A l’intérieur, de l’eau en quantité visiblement insuffisante d’une couleur verdâtre, apparemment très usée. Les crocodiles donnent plutôt l’air d’être des sculptures en bois, tellement ils sont immobiles et leur espace de mobilité semble bien réduit.
Les chimpanzés mangent … de la pâte de maïs !
Quelques mètres plus loin, Joy et Kita, deux chimpanzés sous un même toit, sans doute un mâle et une femelle. Ils sont familiers avec le guide qui a tenu à garder l’anonymat. Joy lui tend même une petite bouteille, réclamant tristement de l’eau pour étancher sa soif. Kita, elle, se tient tranquille dans son coin. Est-elle à son aise ? Est-elle désespérée avec ce regard intense et évasif ? Mystère.
Quant à la restauration, le guide nous apprend qu’il n’est pas encore temps de manger. Les deux primates prennent souvent les repas des humains, fait savoir le guide … la pâte de maïs, par exemple. Leur ration provient majoritairement des recettes du musée, ajoute l’ami des primates, avant de glisser avec un geste désespéré à l’appui, « depuis hier, je n’ai reçu qu’un seul visiteur. Vous ! »
Et juste à côté du « palais » du couple, la petite Flora, apparemment très habile, bouge tout le temps. De toute évidence, elle semble la plus heureuse des chimpanzés du musée. Elle s’amuse comme une folle.
Deux pas en avant, la loge qui abrite les serpents. C’est un vrai « nid de vipères » ! Mystérieux et très calme, tout bouge lentement à l’intérieur. Les serpents ne sortent leurs têtes que quand le guide fait ses gestes bizarres qui attirent leur attention pour une raison qui nous échappe. En place, deux cobras, deux pythons, des mambas verts et d’autres espèces. La majorité des serpents se nourrissent des rongeurs (rats domestiques). Le guide indique: « Les rats qu’ils mangent sont souvent achetés par les visiteurs pour voir comment ces serpents si filiformes peuvent facilement dévorer tout un rat.»
Un peu plus loin, dans une cage plus ou moins grand, la « reine » est calme dans son coin. D’après le guide, elle s’appelle Jango (ou Jungle pour les plus instruits). C’est l’unique guépard du musé. Elle se repose, tranquille. A la vue des intrus, d’un saut habile, elle est à terre, face aux grillages. Difficile de savoir si elle baille par famine, ou si c’est seulement un geste pour montrer la virilité, mais elle montre ses crocs terriblement acérés. Encore une fois, le guide susurre : « Vous voulez contempler les sauts acrobatiques du félin ? Il faut acheter un rat pour Jango, et le jeter par-dessus la clôture. »
Négligé, pourtant le site pourrait rapporter au pays
Don de Dieu Remesha Ndikumana est un jeune très passionné et ami des animaux. Nous l’avons croisé au musée plutôt révolté contre la « misérable » vie de ses amis : « Ils ne vivent pas, ils survivent. Ils sont très malheureux, sans soins, sans alimentation adaptée et suffisante. Peut-être que le musée n’a pas de budget suffisant. Le minimum serait de leur donner de l’espace pour vivre, s’épanouir et se reproduire. La grande partie du musée a été allouée aux commerces. Le peu de moyens matériels et financiers que possède le musée devrait être affectée à la prise en charge des animaux ».
Pour lui, la priorité des responsables du musée devrait être le bien-être des animaux : « L’institution est nécessaire pour valoriser la faune burundaise. Elle devrait être bien organisée, c’est comme ça que les visiteurs viendraient nombreux, et que les recettes suivront. »
Contactée, l’administration du musée a fait savoir qu’elle ne peut pas s’exprimer sans l’aval du ministre de tutelle, lequel était en mission lors de notre visite.
A suivre …