C’est l’une des formes de discrimination qui découle de notre culture: la pression sur les conjoints pour faire un enfant aussi vite quils viennent de sceller leurs noces. Malheureusement, lenfant qui devrait être un fruit chéri par les parents et toute la communauté devient un facteur de discrimination quand il se fait attendre un peu plus longtemps que prévu. Faut-il céder au conformisme social quand le besoin de mettre au monde ne sest pas encore fait ressentir au sein du couple ?
D’une tante qui demande que « atakarajayo » (pas encore tombée enceinte) à la belle-mère qui, d’un œil vigilant fait l’inspection d’une prochaine arrivée d’un petit fils, les couples burundais l’endurent silencieusement. Car derrière leurs sourires narquois, les jeunes mariés se voient obligés de promettre l’incertain et quand le petit traîne, ils répondront timidement : « Erega havyara Imana, turarindiriye isaha yayo » (C’est Dieu qui procrée, nous attendons son heure).
Le mythe de l’enfant-richesse hérité de la tradition
Aussi loin que se le rappelle Perpétue Miganda, psychologue et auteure du livre Trésors du Burundi ancestral, la pression mise sur les conjoints pour faire un enfant n’est pas un phénomène nouveau. En effet, dans le Burundi ancien le foyer sans progéniture était malheureux, les enfants étaient vus comme une richesse aux côtés des terres et des vaches.
L’enfant synonyme de richesse est prépondérant dans toutes les formes de discours et d’expression culturelle telles que les contes, les fables, les chants, etc). Toutes les bénédictions étaient ponctuées par de souhaits qui renvoient au fait d’avoir des enfants comme une richesse fondamentale du foyer: « Urakagira imirima, inka nibibondo » ; « Urakagira urugo n’urugori » (puisse-tu avoir des terres, puisse-tu avoir un enclos (un mari) ainsi qunune couronne, c’est-à-dire des enfants (la couronne symbolisant la fertilité parce que la femme en portait une lorsqu’elle donnait naissance) .
Elle ajoute : « Lors du rite de « kujana ubugeni » qui se passait quelques trois ou quatre mois après le mariage, lorsque la fille retournait visiter ses parents, tout le monde se mettait à l’affût d’un signe qui trahirait une grossesse de la nouvelle mariée soit par un manque d’appétit ou tout autre signe révélateur. Si rien ne s’affichait pendant plus ou moins une certaine période jugée un peu trop longue, sa mère, ses tantes ou sa belle-mère pouvaient lui donner des herbes réputées pour leurs vertus guérisseuses afin qu’elle puisse concevoir rapidement. Si aucun changement ne se manifestait, la famille en désespoir de cause faisait appel aux « Bapfumu» (devins) ou à « Kiranga » afin quil intercède pour eux auprès dImana (Dieu) yUburundi pour rendre la fécondité à la femme ou au couple. La femme était alors purifiée « kumuhanagura » à l’aide des herbes sur le corps y compris ses parties intimes» précise Perpétue Miganda
La femme qui n’arrivait pas à concevoir pouvait être maltraitée. Des fois, le mari épousait une deuxième femme pour avoir des héritiers « ahandi ho umuryango wohona.» (Sinon la famille ne serait pas perpétuée).
« Procréer, un projet strictement à deux »
La soixantenaire Miganda soutient qu’un enfant est normalement le fruit de l’amour entre deux personnes et non le résultat d’une quelconque pression. Ainsi, avoir un enfant est une décision qui appartient aux deux conjoints et à eux seuls appartient le droit de décider de l’avenir de leur foyer. Par ailleurs, la famille devrait plutôt soutenir les conjoints aussi bien dans leurs premiers mois de vie commune que pour la suite de leur vie conjugale.
