Les propriétaires des parcelles situées dans les 160 ha proches du palais présidentiel au quartier Gasenyi en Mairie de Bujumbura, jugent dérisoire l’indemnité pour la cession de leurs propriétés et biens. Ils demandent à l’Etat de respecter le code foncier…
Le palais présidentiel est érigé sur 40 ha. Les propriétaires qui vivaient dans ce périmètre ont été indemnisés, et l’Etat leur a donné des parcelles à Maramvya, en province de Bujumbura. La population de cette localité indique qu’en 2016, le périmètre du palais a été agrandi jusqu’à 200 ha. Plus de 1500 familles qui habitaient dans les 160 ha ne sont pas encore indemnisées.
« Une équipe chargée de faire un inventaire des maisons, des propriétés et tout ce qui s’y trouve, s’y est rendue en 2022. Elle a fait des calculs et affiché des résultats », indique un habitant rencontré sur place.
Le constat est pour lui sans appel : beaucoup de lacunes. Certains ne trouvent pas dans ces résultats tout ce qu’ils ont comme biens dans leurs propriétés : « Le plus déplorable est que nous n’allons bénéficier d’autres parcelles ailleurs comme cela a été le cas pour les autres.
M.D., habitant de Gasenyi, enchaîne : « Comme on a déjà donné des parcelles à ceux qui habitaient dans les 40 ha où se trouve le palais présidentiel, pourquoi ne pas les donner à ceux qui habitent dans les 160 ha ? Ce serait une injustice si on ne nous traite pas de la même façon. »
M.D. déplore que les gens à exproprier n’aient pas été associés à l’équipe chargée du comptage de l’indemnité d’expropriation. « Nous n’avons pas eu la latitude de négocier et d’échanger avec le gouvernement afin de lui confier ce que nous voyons sur terrain et comment nous vivons. Nous serons renvoyés de nos propriétés par force. »
L’impasse
Maître Emmanuel Niyongabo, qui représente la population possédant des parcelles dans ce périmètre présidentiel de 160 ha, confie que cette expropriation n’est pas conforme à la loi.
Se basant sur certains articles du code foncier, il explique: « L’article 424 du code foncier demande à l’Etat de donner une indemnité d’expropriation qui doit compenser intégralement le préjudice subi par l’exproprié. L’indemnisation doit être négociée à l’amiable entre les parties intéressées ou, à défaut, par la juridiction compétente au sens de l’article 428 du code foncier. Quant à l’article 426, les ministres ayant les terres dans leurs attributions fixent par ordonnance conjointe le niveau minimal des tarifs d’indemnisation. Ces tarifs doivent être régulièrement actualisés. »
Mais l’avocat s’inquiète : l’ordonnance produite par les ministres habilités détermine la valeur fixe à 5 millions Fbu par are.
Me Niyongabo fait savoir que, pour les parcelles qui se trouvent à côté de la superficie de 160 ha saisie par l’Etat, un are coûte entre 15 et 20 millions Fbu. « Avec 5 millions Fbu, une somme dérisoire, où allons-nous acheter des terres ? Nous attendons la réponse du Président de la République, Evariste Ndayishimiye. Nous lui avons adressé un courrier lui signalant que l’ordonnance produite n’était pas en conformité avec le code foncier. »
L’avocatindique avoir reçu en juillet 2022 une lettre du cabinet civil du président, signée le 25 juin 2021, proposant qu’il y ait une viabilisation par intégration. La population donnerait une partie de sa parcelle, et resterait avec une autre afin d’y construire des maisons suivant les plans qui seront donnés par le gouvernement.
« Quelques jours plus tard, nous avons vu un décret qui saisit cette propriété pour raison d’utilité publique. Nous ne comprenons pas. Nous sommes dans l’impasse. »
Pour rappel 334 ha ont été également réservés pour la sécurité de la présidence. Le total de la superficie qui sera saisi est estimé à 534 ha. Maître Emmanuel Niyongabo doute que le projet ait été bien étudié. Raison pour laquelle il supplie le Président de la république de revoir le dossier.
« Une ordonnance bien conçue »
Diomède Ndayirukiye, directeur de l’Aménagement du territoire au ministère en charge de l’Environnement, affirme que l’expropriation des terres et l’indemnisation dans ce périmètre présidentiel de Gasenyi sont conformes. « Si une propriété est déclarée d’utilité publique, elle devient immédiatement propriété de l’Etat. Reste à appliquer ce que dit la loi relative à cet effet. Une ordonnance indiquant comment se fait le travail d’indemnisation est claire et compréhensible pour tout le monde, » confie-t-il.
Et de poursuivre : « Nombreux sont des gens de cette localité qui ont apprécié l’indemnité assignée. Ceux qui disent qu’elle est dérisoire ont d’autres idées en tête et spéculent. »
Répondant aux doléances de ceux qui affirment que les parcelles proches du palais présentiel s’achètent à plus de 20 millions par are et que l’indemnité devrait être calculée en se référant au coût des parcelles, le directeur rappelle qu’une ordonnance montre comment est répartie l’indemnisation suivant l’emplacement des localités.
« Ce n’est pas parce que les commissionnaires de maisons ou parcelles fixent des prix dans une quelconque localité que ce doit être une unité de référence. Non ! Imaginez-vous qu’au centre-ville un commissionnaire peut vendre une parcelle de 30 ares pour 3 milliards ? Est-ce logique ? Où est-il écrit que les parcelles dans des localités proches du palais présidentiel doivent s’acheter à plus de 20 millions ? L’ordonnance qui fixe comment se fait l’indemnisation au centre-ville de Bujumbura et à la périphérie de la ville est bien conçue. C’est cette ordonnance que nous devons mettre en application. Dans son intégralité et sans violation de la loi. »
M. Ndayirukiye fait enfin savoir qu’il n’est mentionné nulle part que les propriétaires des parcelles à Gasenyi bénéficieront d’autres parcelles.
Mais il tranquillise. Selon lui, la population de cette localité sera indemnisée en bonne et due forme.