Isaac Nizigama, 25 ans, est atteint de démence depuis 2013. En plus de la stigmatisation, de l’humiliation et du rejet de la part de l’entourage, sa mère vit un véritable chemin de croix. Récit poignant d’une mère résiliente
Elle en est étonnée, presque déçue. 15h 27. Gloriose, en compagnie de notre guide, nous attend impatiemment au terrain de football de l’École Fondamentale Kanyosha 3. Elle pense recevoir un bienfaiteur comme d’habitude depuis quelques années.
Cette fois, le bienfaiteur n’est autre qu’un journaliste qui lui pose des questions sur la santé de son fils Isaac: «Il a l’âge de fonder son foyer, mais je dois l’aider en tout comme un bébé», lâche amèrement Gloriose Nderagakura, 60 ans.
Isaac est le troisième d’une fratrie de sept enfants, le premier garçon de la famille. Sa mère se souvient encore de ce “jeudi maudit” lorsqu’elle a été appelée au téléphone par le directeur du Lycée Municipal de Kanyosha pour lui annoncer que son fils de la 9ème année semblait développer une maladie mystérieuse.
«Lorsqu’il m’a vue, il pleurait sans cesse, et demandait pardon», dit-elle. Isaac est alors conduit au Centre Neuropsychiatre de Kamenge, où il séjournera pendant 12 mois.
Face à un semblant de guérison, les médecins décident d’autoriser la sortie de l’hôpital du jeune homme.
C’est un début de calvaire pour lui et sa famille, obligée de payer deux gardes malades pour le surveiller, le nourrir et le fouetter souvent pour qu’il accepte de prendre des médicaments.
Dès qu’il parvient à tromper la vigilance de ses gardiens, Isaac s’enfuit.
«Il a été arrêté plusieurs fois par la police qui le prenait pour un malfaiteur déguisé», affirme sa mère.
«J’oublie parfois que mes six autres enfants existent»
L’annonce d’une grave affection touchant Isaac a provoqué un choc émotionnel grave chez sa mère. Gloriose doit désormais faire face à un rejet complet et à l’ingérence de la part de ses voisins et de la famille biologique: «Certains se croient permis de blâmer ou de me donner des conseils sans y être invités», déplore-t-elle.
La détresse de Gloriose sera aggravée par l’attitude de son mari, qui l’accuse d’être à l’ origine de cette situation:«Il aime me rappeler dédaigneusement que, dans sa famille, personne n’a enfanté un fou», se plaint elle, les larmes aux yeux.
Elle a interrompu son petit commerce pour rester au chevet de son fils. L’économie de toute la famille a été ébranlée.
La survie d’Isaac et la lutte pour sa guérison sont devenues la seule raison de vivre de Gloriose: «J’oublie parfois que mes six autres enfants existent», précise-t-elle.
Si le retour d’Isaac à la maison a apporté un réconfort moral à la famille, il a aussi causé une souffrance multiforme à sa mère.
Cet article est issu du dossier produit par le Magazine Jimbere sur les différents aspects et les enjeux de la santé mentale, dans le contexte burundais. Si vous avez une suggestion, n’hésitez pas à nous la soumettre sur jimbere@jimbere.org