Malgré les sanctions prévues contre ceux qui nuisent à l’hygiène publique, notamment en se soulageant sur la voie publique, de nombreux citoyens dénoncent le manque criant de latrines publiques et le coût élevé de celles existantes. Ils plaident pour la multiplication de ces infrastructures afin de permettre à tous de se soulager dignement et d’améliorer ainsi la propreté urbaine.
Lors d’une réunion tenue le 6 octobre 2025 entre le Premier ministre burundais, les responsables administratifs et les opérateurs économiques de la province de Bujumbura, il a été décidé que toute personne surprise en train de porter atteinte à l’hygiène publique, notamment en se soulageant dans des lieux non autorisés, fera l’objet de sanctions.
Malgré cette décision, le constat sur le terrain reste préoccupant : les latrines publiques se font rares le long des routes et aux arrêts de bus. Cette insuffisance touche particulièrement les filles et les femmes, pour qui il est plus difficile de se soulager discrètement, contrairement aux hommes, qui continuent parfois à le faire en bord de route malgré l’interdiction.
Dans plusieurs localités, aussi bien à l’intérieur du pays que dans l’ancienne ville de Bujumbura, il n’est pas rare de voir des personnes jeter leurs déchets n’importe où ou se soulager au bord des routes, dans les caniveaux ou dans des lieux isolés. Des citoyens rencontrés aux arrêts de bus de Bujumbura précisent toutefois qu’à l’endroit où se trouvait autrefois le marché central, les installations sanitaires sont suffisantes, même si leurs tarifs ne cessent d’augmenter.
Se soulager : un parcours de combattant
Une femme rencontrée à l’endroit appelé « Plaza » explique combien il est difficile pour les femmes de se soulager dans de bonnes conditions, faute d’infrastructures adaptées. « Il est difficile pour une femme de se soulager n’importe où. Avant, ici, on payait 200 FBu ; maintenant, c’est passé à 500 FBu. Les prix ne cessent d’augmenter », déplore-t-elle.
Elle plaide pour la construction de toilettes publiques le long des routes et dans les lieux très fréquentés, estimant que l’absence de sanitaires favorise l’insalubrité. « Par exemple, à Gasenyi, au marché appelé Musovu, il n’y a pas de toilettes. On voit des mouches tournoyer autour des denrées alimentaires. Il faudrait y construire de bonnes toilettes propres, où l’on paierait un petit montant », ajoute-t-elle.
Un commerçant des unités confie que le nombre de toilettes disponibles reste très insuffisant, poussant de nombreuses personnes à se soulager n’importe où. Il regrette également que l’accès aux sanitaires soit devenu payant presque partout. « Aujourd’hui, où que tu ailles pour te soulager, il faut payer 500 BIF. Même là où cela ne devrait pas être payant, ils le font. Tu peux aller manger quelque part et payer 300 BIF, mais si tu ne consommes pas, tu dois payer 500 BIF. Ce n’est pas normal », déplore-t-il.
Selon lui, les autorités devraient soit réduire les frais d’accès, soit construire davantage de toilettes publiques, tout en encadrant les pratiques des bars et restaurants. « Les toilettes sont peu nombreuses. Il arrive qu’on y aille sans argent, ce qui provoque parfois des disputes. Les autorités devraient vraiment construire des toilettes publiques, car beaucoup se soulagent encore n’importe où, faute de moyens ou d’informations sur leur emplacement », plaide-t-il.
De graves conséquences

Innocent Banigwaninzigo, expert en environnement, alerte sur les conséquences sanitaires et environnementales de la mauvaise gestion des excréments humains au Burundi. « On peut parler de pollution de l’eau. Lorsque les gens défèquent n’importe où, les matières fécales sont entraînées par les eaux de pluie et contaminent rivières, lacs et nappes phréatiques, ce qui affecte l’eau utilisée par la population », explique-t-il.
Il ajoute que ces déchets contribuent également à la dégradation des sols, en perturbant les micro-organismes nécessaires à la fertilité de la terre. Par ailleurs, les matières fécales favorisent la propagation de maladies liées au manque d’hygiène, telles que diarrhées et choléra, touchant particulièrement les enfants de moins de cinq ans.
Approches pour renforcer l’hygiène et l’assainissement
Selon l’expert, plusieurs mesures peuvent être mises en œuvre pour lutter contre ce comportement nuisible, notamment l’amélioration des infrastructures, le changement des habitudes et la sensibilisation communautaire. « Parmi ces actions, il est essentiel de promouvoir l’hygiène et l’assainissement au sein même des communautés. Les gens doivent comprendre qu’ils sont responsables de leur propre pollution et de celle causée par leurs voisins. Chacun doit se sentir concerné pour éviter la propagation de maladies », explique-t-il.
Concernant les infrastructures, il recommande que chaque famille dispose d’une latrine adéquate et que l’État mette en place des toilettes publiques pour une meilleure gestion des déchets. « Il faut aussi renforcer l’hygiène dans les écoles et les centres de santé, en veillant à la présence de toilettes séparées pour les garçons et les filles, ainsi que d’espaces adaptés pour la gestion de l’hygiène menstruelle des femmes », ajoute-t-il.
L’expert souligne qu’au Burundi, il serait possible de développer des latrines écologiques permettant de transformer les excréments en compost, voire en matériaux utiles. « Il faut réfléchir à la valorisation de ces déchets pour créer des emplois tout en s’attaquant à ce problème, aujourd’hui considéré comme un fléau », précise-t-il.
Il recommande également la mise en place de formations, de campagnes de sensibilisation et de programmes éducatifs, en impliquant leaders communautaires, associations et médias, afin d’apprendre aux populations à gérer correctement les déchets humains. Et enfin, Il insiste pour que les autorités veillent à l’application effective des lois existantes en matière d’hygiène et d’assainissement, avec des évaluations régulières de leur mise en œuvre.
Contacté à ce sujet, le gouverneur de la province de Bujumbura a indiqué qu’un projet de construction de latrines publiques est en cours.
Pour rappel, une ordonnance ministérielle conjointe, référencée n°540/530/630/218, a été promulguée le 5 août 2025, fixant les montants des amendes à infliger aux contrevenants aux règles d’hygiène et de salubrité publique.(https://finances.gov.bi/index.php/2025/08/07/ordonnance-ministerielle-conjointe-n540-530-630-218-du-05-08-2025-portant-fixation-des-amendes-infligees-aux-contrevenants-a-la-reglementation-relative-a-lhygiene-et-a-la-salubrite-publ/)




