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La faim et la pauvreté : obstacles à la scolarisation des Batwa malgré l’engagement de l’État

La rentrée 2025-2026, lancée il y a trois semaines, a apporté aux élèves Batwa des mesures ministérielles : gratuité des frais scolaires, distribution de matériel et accès à l’internat pour les lauréats du concours national. Mais leurs parents dénoncent des difficultés persistantes et réclament un accompagnement renforcé.

Les Batwa de la province de Bujumbura, dans la commune de Ntahangwa, plus précisément sur le site de Nyarumanga, affirment que malgré la possibilité d’accéder à une éducation gratuite et de bénéficier d’un soutien, ils continuent de faire face à des obstacles qui entravent la poursuite de leurs études jusqu’au bout. Parmi les difficultés mentionnées par les autorités locales, les enseignants et les parents, on note les problèmes liés à l’accumulation de déchets dans la zone de Buterere ainsi que la pauvreté qui touche les familles Batwa.

Environ 450 familles résident sur ce site. Certaines affirment être arrivées ici entre 2000 et 2001, tandis que d’autres proviennent de l’ancienne province de Cibitoke. Ces habitants déplorent que, depuis cette période, aucun enfant n’ait pu achever son cursus scolaire. Même ceux qui commencent leur éducation abandonnent généralement en classe de neuvième.

Ange Nkurunziza, l’une des parents, explique que la pauvreté et la faim sont les principales raisons pour lesquelles de nombreux enfants ne peuvent pas aller à l’école. Selon elle, « un enfant qui a passé trois jours sans manger ne peut pas se concentrer sur ses études. Un enfant qui souffre de la faim rentre chez lui et se retrouve parmi les déchets. Une fois qu’il abandonne l’école, il passe ses journées sur ce site. Ceux que vous voyez jouer ici sont ceux qui ne fréquentent pas l’école. »

Elle souligne que les déchets accumulés à Buterere provoquent de nombreux problèmes, car chaque enfant épuisé finit par s’y rendre.

Des conditions de vie précaires

Elle mentionne également le manque de fourniture scolaire et précise que l’aide offerte par certains bienfaiteurs ne touche qu’une partie des élèves. « Parfois, ces aides sont distribuées à certains enfants, tandis que d’autres en sont privés. Je demande qu’ils apportent du matériel pour tous, afin que chaque enfant puisse bénéficier d’une éducation », ajoute-t-elle.

Et de regretter que de nombreux parents n’aient pas les moyens de se développer, la plupart d’entre eux vivant de la récupération dans les déchets : « Si ces familles disposaient de ressources, elles pourraient entreprendre des activités pour mieux nourrir leurs enfants. » Elle termine en appelant l’État à soutenir ces enfants, en particulier en leur fournissant des repas à l’école, car beaucoup abandonnent leurs études en raison de conditions de vie si difficiles.

Pontien* souligne également que ses enfants ne vont pas à l’école, certains ayant abandonné à cause de la pauvreté qui touche les familles, sans aucune aide disponible. Un seul de ses enfants bénéficie du soutien de sa grande sœur pour poursuivre ses études : « Mes enfants ne vont pas à l’école. Celui qui continue à étudier est pris en charge par son aînée pour qu’il n’ait pas à traîner dans les déchets. Les deux autres, quant à eux, sont actuellement près de la décharge, où ils passent leur journée. » Il conclut en demandant à ce que ces enfants soient soutenus avec des biens essentiels tels que des vêtements et de la nourriture, tout en insistant sur l’importance de les accompagner durant leur scolarité.

La décharge, l’obstacle majeur à l’éducation

Ernest Ngenzi: « Une fois qu’un enfant commence à gagner 20 000 ou 50 000 francs, il ne retourne plus à l’école. Nous implorons l’État de retirer cette décharge afin que les enfants puissent se focaliser sur leur éducation. »

Pour les autorités locales, en plus de la pauvreté, la décharge de Buterere constitue l’un des principaux obstacles à la scolarité des enfants Batwa. Ernest Ngenzi, élu du quartier Mugaruro sur le site de Nyarumanga, indique qu’au début de l’année scolaire, environ 100 élèves sont inscrits, mais qu’au deuxième trimestre, seuls 50 d’entre eux sont encore présents ; les autres abandonnent en raison des conditions de vie difficiles auxquelles leurs familles sont confrontées. Il explique : « La mairie de Bujumbura déverse des déchets dans notre quartier. Parfois, un parent croit que son enfant est à l’école, alors qu’en réalité, il se rend à la décharge. À midi, l’enfant rentre comme s’il revenait de l’école, alors qu’il a passé son temps à fouiller dans les déchets. »

Il souligne que de nombreux habitants de cette zone se sont installés ici en 2000 et que chaque famille occupe une parcelle de 9 mètres sur 11. Il déplore que le peuple Batwa semble être laissé pour compte, n’ayant pas de terres cultivables : « Actuellement, nous vivons sans terres agricoles, sans élevage et sans emploi, ce qui rend difficile l’éducation de nos enfants dans de bonnes conditions. Il est évident que lorsque le Mutwa n’a ni champs ni bétail, il fait face à des difficultés persistantes. »

Bien que les autorités locales encouragent l’éducation des enfants, poursuit notre source, l’élan de distribution de fournitures scolaires, qui existait auparavant, a diminué. Il insiste sur la nécessité pour l’État de déplacer la décharge de son emplacement actuel, affirmant que tant qu’elle demeurera à cet endroit, les enfants auront du mal à se concentrer sur leurs études : « Une fois qu’un enfant commence à gagner 20 000 ou 50 000 francs, il ne retourne plus à l’école. Nous implorons l’État de retirer cette décharge afin que les enfants puissent se focaliser sur leur éducation. »

Prime Nshimirimana, enseignant à l’école fondamentale de Mubone dans la zone Buterere, souligne que l’établissement accueille un grand nombre d’élèves issus de la communauté Batwa. Il explique que les principales raisons de l’abandon scolaire chez ces élèves sont la faim et la pauvreté qui frappent leurs familles, les poussant à se rendre à la décharge locale où des déchets provenant de divers quartiers de Bujumbura sont déversés : « Auparavant, nous observions des enfants affaiblis et pensions qu’ils étaient malades, allant même jusqu’à prier pour leur santé. Mais après leur avoir donné à manger, ils ont rapidement retrouvé leur vigueur. Nous avons alors réalisé que c’était en réalité la faim qui les affaiblissait. »

Demande d’aide…

Même son de cloche chez Salom, l’un des parents dont les enfants sont actuellement scolarisés malgré de nombreuses difficultés : « Nos enfants vont à l’école, mais ils finissent par abandonner à cause de la pauvreté et de la proximité de la décharge. » Quand un enfant commence à se lier d’amitié avec un autre qui ne fréquente pas l’école, explique-t-il, ils ont tendance à faire l’école buissonnière et finissent par ne même plus rentrer chez eux, abandonnant ainsi leurs études : « Nous demandons à l’État de construire des internats pour que les enfants puissent y vivre, afin d’éviter qu’ils errent et qu’ils ne rentrent que pendant les vacances. »

Il insiste sur l’importance d’éloigner la décharge près de leur quartier, qui nuit gravement à l’apprentissage des enfants. Selon lui, bien qu’ils aient commencé leurs études il y a plusieurs années, aucun enfant de la communauté n’a encore terminé sa scolarité : « Nous sommes arrivés ici en 2000, mais aucun enfant n’a terminé ses études. Il arrive même qu’UNIPROBA demande s’il y a un Twa ayant fini l’école, et la réponse est toujours négative. On trouve plutôt des candidats venant de Cibitoke, alors que nous aussi avons besoin d’être représentés. »

Certains enfants Batwa ont partagé les grandes difficultés qu’ils rencontrent. Ils vont à l’école sans uniforme et n’ont souvent qu’un seul cahier. En ce qui concerne les frais scolaires, ils doivent payer à la fois les frais de scolarité et ceux pour l’uniforme : « À ce moment-là, nous devons retourner chez nos parents pour leur demander de l’argent, même si cela leur est très difficile.» 

Ils concluent leur témoignage en demandant de l’aide pour obtenir le matériel scolaire nécessaire pour étudier dans de meilleures conditions : « Pour bien étudier, nous demandons des fournitures scolaires, la prise en charge des frais de scolarité, et également de la nourriture, car certains parmi nous ont déjà abandonné à cause de la pauvreté et de la faim. »

De son côté, l’enseignant Prime Nshimirimana souligne l’importance de mettre en place un programme de cantine scolaire pour réduire le taux d’abandon scolaire. Un tel projet, rappelle-t-il,  avait déjà été envisagé pour leur école et que lors de son annonce, le nombre d’enfants Batwa inscrits avait significativement augmenté. Malheureusement, ce programme n’a jamais été mis en œuvre. « Si on le relançait, cela permettrait aux enfants de bien étudier », conclut-il.

Il a également suggéré que ces enfants reçoivent des fournitures scolaires appropriées. De plus, il a recommandé l’établissement d’un système de suivi pour mieux comprendre les raisons des absences. Selon lui, ces mesures contribueraient à offrir aux enfants les mêmes conditions d’études que celles dont bénéficient les autres élèves.

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