La journée de la femme contient en elle cette dimension misérabiliste de nous rappeler les déficits des femmes, de tout ce qu’elles n’ont pas, de tout ce qu’elles ne sont pas, en ne manquant pas de compatir à leur triste sort…Elle devrait plutôt s’inscrire dans une logique d’action.
A part l’objectif d’atteindre 3 enfants par femme dans son point 59, le Plan National de Développement (2018-2027) du Burundi ne fait nullement mention – ou presque – de la « femme ». Surprenant tout de même quand son objectif global est de « Transformer structurellement l’économie burundaise, pour une croissance forte, durable, résiliente, inclusive, créatrice d’emplois décents pour tous et induisant l’amélioration du bien-être social. » Une croissance inclusive est-elle possible quand le principal document directeur de l’action gouvernementale vers son atteinte fait abstraction de la femme alors que les ODD auxquels prétend s’aligner celui-ci, mettent en avant l’égalité entre les sexes à leur cinquième point ?
Selon l’Enquête Démographique et de Santé de l’ISTEEBU, en 2017 , parmi les femmes en union ayant été rémunérées en argent pour leur travail, seulement 21 % déclarent qu’elles décident principalement de l’utilisation de l’argent. Dans ce même registre, selon le dernier recensement général de la population et de l’habitat parmi les 90% des Burundais qui sont des agriculteurs, 80.2% d’entre eux ont accès à la terre dont 62.5% sont des hommes et seulement 17.7% des femmes.
D’où une question de taille : les femmes disposent-elles des outils pour accomplir leur émergence et créer de la richesse alors qu’elles n’ont même pas accès à la propriété foncière, sachant que celle-ci demeure un capital de production important au Burundi ? Ont-elles même le dernier mot sur l’argent qu’elles gagnent elles-mêmes ?
Toujours en 2017, selon le même rapport de l’EDS 2016-2017, la moitié des femmes en union ou en rupture d’union (50 %) ont subi des violences conjugales (émotionnelles, physiques ou sexuelles) de la part de leur mari/partenaire actuel ou le plus récent, alors que près de 1 femme sur 4 (23 %) ont subi des violences sexuelles à un moment quelconque.
Et ce n’est pas tout. Plus d’un tiers de femmes de 15-49 ans (36 %) et 32 % d’hommes de 15-49 ans ont déclaré avoir subi des violences physiques à un moment quelconque de leur vie depuis l’âge de 15 ans. Une femme non épanouie dans son environnement, vivant constamment avec la peur au ventre va-t-elle être productive ?
Toute la pertinence de cette fête…
Contrairement à la conception plutôt ambiante par ici, le 08 mars n’est pas la fête de la femme mais plutôt la Journée Internationale des Droits de la Femme. Qu’est-ce que cela signifie substantiellement ?
Que l’on peut célébrer oui, louer celles qui s’engagent à changer leurs communautés encore mieux mais l’erreur serait d’en rester là. L’objectif de la journée est de faire entendre les revendications de l’heure en matière des droits de la femme, notamment dans la lutte contre les violences faites à leur égard. Il faut nous poser des questions, et s’employer, s’impliquer pour trouver des réponses aux obstacles qui empêchent la femme de réaliser son plein potentiel et nous engager à l’unisson pour briser les nombreuses barrières à leur épanouissement.
Si on veut réaliser le développement durable, il est impensable de faire omission de ces acteurs incontournables de la société que sont les femmes. Après tout, n’est-ce pas vraies que les chiffres montrent que les ménages gérés par les femmes se portent mieux que ceux gérés par les hommes comme l’écrivait Jimbere ici? D’ailleurs plus simplement : n’est-ce pas elles qui représentent plus de la moitié de la population ? Continuer à ne pas reconnaître le potentiel de la femme et ses atouts au même titre que l’homme comme certains persistent dans cette posture serait une grosse erreur…
Sinon…
La fête serait inutile, si elle ne nous permet pas de poser toutes ces questions-là. Si nous ne voyons la valeur de la femme qu’un jour sur 365, en quoi ça aiderait de faire semblant ou de noyer le poisson une fois l’an ?
La fête serait inutile, si l’on continue d’être des spectateurs muets face aux violences que les femmes subissent dans leurs foyers et de continuer à assister sans mot dire aux filles retirées de l’école « pour cultiver la terre, s’occuper des tâches de ménage » ou encore pour des mariages précoces…
La fête serait inutile, si l’on n’agit pas pour permettre à la femme burundaise à majorité rurale à survivre aux changements technologiques et idéologiques de ce monde qui va bien trop vite et qui la bouscule…
La fête serait inutile, si nous persistons à ne voir que les défauts de nos sœurs, nos mamans, nos femmes, leurs erreurs et leurs limites mais jamais leurs efforts, leur potentiel…
Dans une société en profondes mutations, la place de la femme interpelle. Au Burundi comme dans le monde, des questions par rapport à la condition de la femme se posent et des réponses doivent être trouvées… Dans la configuration actuelle des choses, seule l’action sauvera la femme…le Burundi et le monde…