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Théâtre

« Ingundu y’umuganuro », un voyage dans le temps

Après cinq ans sans représentation théâtrale en kirundi, ce vendredi 22 février, le Théâtre Burundais (Enfoirés de Sanolandante, Umunyinya et Ouf) offrait ce week-end « Ingundu y’umuganuro ». Jimbere était à la représentation de cette pièce qui revisite l’histoire du Burundi, pointant « les divisions apportées par la colonisation dans une société autrefois unie »

Alors que les spectateurs prennent place, des quatre coins de la salle surgissent les acteurs. Par ici, un homme et une femme. Par là, deux femmes: sœurs? Cousines ? Voisines? L’on ne saurait, même si leur complicité saute aux yeux. Ils arrivent équipés pour les travaux champêtres, le célèbre « Ikibiri ». Les voilà à la tache, en chantant « Eeeh Rima we », mélopée qui ponctue les travaux de houe dans le Burundi rural.

Mais la scène ne dure pas: autre homme entre, sous le rythme de l’inanga, la cithare burundaise, le ton triste, les phrases déchaînées. Son monologue semble déranger le reste du groupe. Avec énergie ahurissante, il présente au public le « Burundi ancien, pays du lait et du miel, pays d’entente et de bonne collaboration, malheureusement transformé en pays de haine et de sang ». Et c’est sur cette cadence que la pièce entraîne l’auditoire dans la période coloniale, insistant sur l’arrivée des missionnaires avec leur Dieu « blanc», et les tentatives d’initier le Burundais à la catéchèse.

Au prêtre, un prince burundais affirmera « faire partie de la Sainte Trinité, tout comme mes compagnons peuvent l’être si telle est leur volonté ». Désespéré, le Blanc s’emploiera alors à détruire cette complicité en territoire burundais entre Dieu, la royauté et le peuple, avec l’instrumentalisation de l’ethnie. Certains sont des « Hutu » selon leurs nez, d’autres « Tutsi » en examinant leurs mains, et à la vue de la taille d’une jeune femme, il introduit le clan des « Twa ».

Figurant l’entente rétablie, voici que se dresse «ingundu y’umuganuro »,
des tiges en bois qui portent une calebasse traditionnelle pour une libation purificatrice…

La « prise de conscience » de leurs différences mène nos jeunes gens dans une bataille enragée. Soupçons, accusations de « jouer au caméléon », méfiance, l’entente du début de la pièce s’est évaporée, … alors que le « Blanc », assis dans un coin, assiste au spectacle sanglant défilant sous ses yeux. Il ne lui manque que du pop-corn.

La haine qui mine le récit prendra fin avec la redéfinition de « la vraie identité du Murundi, celle qui ne réduit pas une personne à la taille de son nez, à la largeur de ses mains ou à la forme de sa taille » …

Le spectacle, tout en kirundi, s’achèvera par une standing ovation d’un public repu d’un vocabulaire très riche, et reconnaissant pour l’heure et demi passée à voyager à travers l’histoire du Burundi: « Le droit d’entrée était minime face à la qualité du spectacle », lâche une spectatrice, regrettant la faible audience de la soirée…

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