Ne leur parlez pas de tradition, elles n’en ont cure. Elles, tout ce qu’elles veulent, c’est jouer et vivre leur passion : ingoma.
À Kinama (au nord de la capitale) existe, depuis 2006, de drôles de dames. Contre vents et marrées, Nzeyimana Marie, Irène Irakoze, Antoinette, Chantal et leurs copines jouent au tambour. Se jouent-elles de la tradition? Qu’importe.« Nous cherchions quelque chose d’original à faire », renseigne Bélyse, la leader du groupe Abatimbokazi.
Et c’est le moins que l’on puisse dire. Originales ou marginales, c’est selon. Quand elles débarquent, lors d’un mariage ou autres, tambours sur la tête, elles amusent autant qu’elles déroutent. »Nous n’avons pas toujours eu que des encouragements. Au contraire! Bien de fois, on a essuyé des insultes. », regrette Antoinette Nahimana.
Mais heureusement, se console Irène, certaines personnes ont compris leur démarche et soutenu. C’est notamment le Centre Jeunes de Kamenge qui a offert les tambours et Hassan Byamungu, qui a soutenu financièrement et leur a servi de coach.
« La tradition, un prétexte pour discriminer »
C’est du moins ce que pense Hassan Byamungu, le coach des Abatimbokazi: « La culture burundaise ne favorise pas l’évolution de la femme. On l’infantilise, la surprotège pour certaines choses, et souvent on la réduit à un statut de femme-objet! »
Ayant longtemps vécu en occident, Hassan regrette que la société burundaise ne donne pas plus de pouvoir et de place à la femme : « Comme si le rôle de cette dernière, se limitait à la reproduction et l’éducation des enfants. »
Les jeunes femmes tambourinaires abondent également dans ce sens. Selon elles, si leur groupe n’évolue pas beaucoup, c’est en raison du rejet qu’elles suscitent dans la société : « Pourtant, on le fait aussi bien que les hommes. »
Avec à la clé, un constat amer : depuis plus de deux ans, les appels pour jouer se font de plus en plus rares, alors que certaines membres du groupe sont devenues des mamans. Abatimbokazi n’aura pas survécu au conservatisme dans le milieu.