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Burundi-RDC : le sens de la visite du Président Tshisekedi au Burundi

Bujumbura, capitale économique du Burundi, le 21 mai 2022 : grande effervescence. Des milliers de gens sont descendus dans les rues pour accueillir le Président Felix Tshisekedi. Il effectue sa deuxième visite officielle au Burundi depuis son accession au pouvoir en 2019. Quel est le sens de cette visite au lendemain de l’adhésion de la RDC au sein de l’EAC ?

La journée s’est annoncée aux couleurs du drapeau congolais à Bujumbura. Annoncée la veille, la visite officielle du Président congolais, son deuxième au Burundi, après celle du 14 juin 2019, est sur toutes les lèvres. La foule nombreuse, faite surtout de congolais durablement établis au Burundi, étudiants et élèves de centres scolaires congolais se trouvant au Burundi est mobilisée depuis 9h. C’est pourtant à 17h du soir que l’aéronef du Président de la RDC atterrira à l’Aéroport International Melchior Ndadaye de Bujumbura.

Le Président Tshisekedi a été accueilli à l’Aéroport International Melchior Ndadaye par le Ministre Albert Shingiro

Une délégation conduite par le Ministre Albert Shingiro est venue l’accueillir. Avant de se diriger vers le palais présidentiel Ntare Rushatsi House, Felix Tshisekedi a eu un bain de foule en se mêlant au public, tout en liesse, jusqu’à la sortie de l’aéroport. Un moment de communion intense entre le leader et son peuple aux allures de campagne électorale. « Fatshi béton, Fatshi wetu, Fatshi tunakupenda…», scandait le public.

Arrivé à Ntare House où l’attendait le président Ndayishimiye et précédemment à leur tête-à-tête, les deux Chefs d’Etat ont planté un arbre (un manguier) symbole de l’amitié entre les deux peuples et pour marquer le passage du Numéro Un congolais à Bujumbura.

Dans une brève sortie à la presse après l’entretien, Tshisekedi va féliciter son homologue burundais pour l’accueil chaleureux lui réservé et revenir sur les grands objectifs de sa visite. « Je viens ici pour discuter de grandes choses qui vont dans le sens des intérêts de nos 2 peuples qui doivent davantage se rapprocher et développer des projets communs. Mon présent séjour sera plus long. Je vais visiter plusieurs endroits, j’irais jusqu’à l’intérieur du Burundi pour m’enquérir de ce qui se fait de très bien ici, notamment dans l’agriculture, dans les coopératives agricoles pour voir comment c’est organisé ici, pour voir comment l’armée est organisé pour se prendre en charge, ce sont des choses que nous devons connaitre, pour le dupliquer. »

Félix Tshisekedi: « Je suis venu m’enquérir de ce qui se fait très bien ici. »

Et de renchérir : « Le projet qui me tient à cœur, c’est surtout celui du chemin de fer qui partira de la Tanzanie passera par le Burundi pour terminer à Kindu plus précisément. Nous avons aussi un projet de pont entre le Sud-Kivu et une des provinces du Burundi. Il y a beaucoup de choses que nous avons passées en revue et je m’en réjouis. »

 Sur le programme de son séjour au Burundi, le Président Félix Tshisekedi se rendra à Gitega ce dimanche 22/05/2022 pour visiter l’Institut de la Recherche Agronomique et Zootechnique IRAZ, la Ferme de Bugendana celle de Buringa à Bubanza avant de clore son séjour de 3 jours par une visite à l’Usine d’intrants agricoles FOMI.

La RDC, cet el dorado pour les investisseurs burundais

Il y a d’abord un enjeu sécuritaire évident: la capitale économique du Burundi est à quelques kilomètres de la chaîne des montagnes des Kivu, à l’Est de la RDC, vers lesquelles pilulent une centaines de groupes armés qui peuvent perturber les affaires à la frontière entre les deux pays. Du coup, le rapprochement entre Congolais et Burundais pour réduire la menace sécuritaire est d’un bénéfice mutuel, le Burundi y étant encore plus sensible au vu des enjeux qui pèsent sur la sécurisation de Bujumbura.

L’importance de la RDC pour Gitega s’est décuplée avec l’adhésion formelle du géant voisin à la communauté des états de l’Afrique de l’Est (EAC) le 29 mars de cette année: le Burundi a gagné un autre poids dans la balance linguistique de la communauté, lui qui était comme isolé des autres, étant le seul pays francophone de l’EAC.

Pour comprendre l’avantage économique que procure l’adhésion de la RDC à l’EAC, il faut également noter que cette communauté qui comptait 184 millions d’habitants et une superficie de 2. 440.408 km2 avant l’entrée du géant francophone, enregistre désormais un territoire de 4.785.408 km2 et peut compter sur un marché de plus de de 285 millions d’habitants comme on le retrouve dans les colonnes du Burundi Eco.

Face à tout ce potentiel : les autres pays se sont empressés de se positionner notamment le Kenya qui n’est pas pourtant frontalier avec la RDC. 26 entreprises kényanes ont engagé des investissements commerciaux d’une valeur de 1,6 milliard de dollars en République Démocratique du Congo. La plus importante de ces entreprises restant l’Equity Group, cette banque qui a augmenté son capital en RDC de 100 millions de dollars pour soutenir les investissements commerciaux dans le pays des léopards. Les gouvernements du Kenya et de la RDC ont également réaffirmé leurs engagements en matière de facilitation des échanges entre les deux nations.

Quant à l’Ouganda, le pays de Museveni ambitionne d’augmenter le volume des échanges commerciaux pour le porter à 15% par an au cours des cinq prochaines années.  Le Ministre Ougandais du Commerce Francis Mwebesa, en marge du forum d’affaire Ouganda-RDC à Kinshasa ce 19 mai 2022 a indiqué: « Nos dernières statistiques [montrent que] d’ici 2021, le commerce entre les deux pays s’élevait à 687 millions de dollars contre 479 millions de dollars en 2017 », tout en soulignant que les deux pays travaillaient ensemble pour améliorer le commerce, par le biais d’un accord conjoint, dans lequel l’Ouganda a accepté de soutenir la construction d’un projet routier de 223 kilomètres reliant les deux pays. Les routes, entre autres, devraient stimuler le commerce transfrontalier, améliorer la sécurité, la connectivité et approfondir l’intégration.

S’agissant du Rwanda, celui-ci va acquérir 12.000 hectares de terres arables. Cette annonce a été faite lors de la visite de Paul Kagame en terre congolaise du 11 au 13 avril 2022. 8 accords de partenariat, convention et mémorandum d’entente dans divers domaines ont été conclus en signe de réchauffement des relations bilatérales entre la République du Congo et du Rwanda.

Dans cette configuration où tous les pays de la communauté se lancent dans cette course-séduction pour se tailler la grande part de ce gigantesque marché congolais, le projet-phare entre le Burundi et la RDC reste la construction du chemin de fer reliant la Tanzanie et la RDC en passant par le Burundi dont le Mémorandum d’Entente a été signé par les 2 chefs d’État en 2021.
Les 2 pays ont également signé un accord commercial à Kinshasa le 29 avril de cette année visant l’amélioration du climat des échanges mutuels en endiguant principalement la fraude et la contrebande qui sévissent dans l’Est de la RDC.

Sans doute que le positionnement du Burundi continue ainsi que le développement et la mise en place d’autres projets communs. Pour une fois que tous les gouvernements de la région semblent œuvrer pour la stabilité de la communauté, l’amitié burundo-congolaise, légendaire et résistante malgré les différentes tribulations de la météo politico-sécuritaire régionale au fur des années, laisse entrevoir des lendemains prometteurs. La visite de Félix Tshisekedi ne peut qu’être placée sous ce signe de collaboration grandissante entre les deux pays.

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