Dans les milieux ruraux du Burundi, le bonheur des femmes et le respect de la belle-famille dépendent aussi souvent des grossesses qu’elles ont portées. Une réalité amère se cache souvent derrière ce cliché. Soline Irakoze croyait goûter à ses merveilles des femmes fertiles, mais sa grossesse fut la source de ses malheurs.
Sa fille dans ces bras, une si petite jolie fille de 2 ans, Soline, 25 ans, a tout d’une femme épanouit. Du moins, elle vit aisément mieux que ces femmes qui vendent « Akabisi », une sorte de bière de banane pas mûri –bière qu’elle-même vend à Gikomero dans la Commune Vumbi, à une dizaine de kilomètres du chef-lieu de la Province Kirundo.
Elle remplit et distribue avec une dextérité des bouteilles de bières, un sourire mi-forcé, mi naturel aux lèvres. Ce n’est que quand elle se lève pour changer de bidons, qu’on aperçoit que la jeune femme est enceinte : « Elle est dans les 7 mois. C’est mon deuxième enfant qui est en route», compte-t-elle. Ses clients ne lui permettent de s’exprimer librement. Sa maison serait la mieux indiquée pour « parler ».
« Personne n’ignore qu’au Burundi, les femmes ne sont chantées que quand elles font des enfants. Je suis parmi ces élues car fertile. Mais après la conception de mon second enfant, ma surprise fut que mon mari ne voulait pas de ce second enfant.» La raison était la plus égoïste, selon Irakoze est que son conjoint avait déjà eu un enfant hors mariage et qu’il ne voulait plus d’enfant. « Il m’a ordonné d’avorter, ce que j’ai carrément refusé. Ma punition fut de n’être assistée en rien, à partir du jour où je lui ai annoncé la bonne nouvelle. Il est parti pour Bujumbura, et depuis ces 7 mois, je ne l’ai vu qu’une seule fois », déplore-t-elle.
Se débrouiller pour survivre
Les mauvaises surprises ne sont pas prêtes de s’arrêter pour Soline. A 5 mois de grossesse, Elle apprend que son mari a mis enceinte une autre jeune fille. Cette dernière est venue narguer la femme officielle en lui montrant sa grossesse : « Ce fut un coup de poignard. Un enfant hors mariage. Et moi dans tout ça ?» Un silence de cathédrale suivra la question. Elle semble replonger dans le passé, un passé très récent, une plaie encore béante.
Soline n’a pas de plans B, C, D,…Elle est laissée à elle seule. Finit ses « caprices » de femmes enceintes. Elle doit travailler d’arrache-pied, jour et nuit, malgré des malaises et douleurs qui ne cessent de s’occasionner. Elle va s’endetter pour débuter un business et louer des champs pour y cultiver. Elle se lève tôt le matin pour les champs avant d’aller s’approvisionner en sa marchandise, la bière « Akabisi » qu’elle vend par après.
« C’est fatiguant, pénible dans mon état. Mais je n’ai d’autre choix. Je dois nourrir ma fille et moi-même, et bien garder mon foyer, dans l’espoir que mon mari revienne.» Qu’il revienne, oui…Soline fait tous ses sacrifices pour qu’au retour du mari, tout soit en ordre, car après tout, « Niko zubakwa ». Dira-t-elle avec amertume.