A seulement dix-huit ans, elle a publié son tout premier livre sur les vicissitudes d’une jeune femme embarquée contre son gré dans le trafic de drogues. Bonne lecture.
« La vie m’avait sourie et c’est ainsi que je me suis retrouvée, un bon matin de vendredi, en Asthonie ». L’incipit donne le ton. Tout au long du récit, nous accompagnons la narratrice Bernice dans une véritable odyssée à moult rebondissements. Contrairement aux pages homériques, « Loin d’un conte de fée » n’est pas un parpaing qui vous tient en haleine pendant des nuits. Ce court roman de 98 pages qui se déguste d’une traite, embarque le lecteur dans une situation kafkaïenne à partir des premières pages.
Bernie Bullos, jeune femme de vingt ans « remplie de rêves, qu’ils soient féeriques ou réalistes » se retrouve kidnappée par un malabar qui veut l’embarquer dans un trafic illicite de drogues orchestré par un cartel mafieux d’Asthonie, un pays fictif. Elle essaie de se démener pour recouvrer sa liberté, en vain. La menace est grave : elle refuse, sa famille est entièrement décimée. Elle ne sait pas pourquoi tout cela s’abat sur elle. Elle essaie de savoir et son ravisseur le lui dévoilera plus tard. C’est une cible facile, la proie idéale pour ce sadique maniaque du contrôle qui retient son otage pour simple raison que c’est une ressortissante du Burundi qui a choisi la voie de la migration pour des contrées où l’herbe serait plus verte.
Elle acceptera le deal pour sauver la peau de ses proches. L’abdomen gavé de paquets de drogues, elle sillonnera les aéroports, la mort dans l’âme. L’inattendu se produira, elle rencontrera son ravisseur à l’article de la mort après une rixe de règlement de compte entre trafiquants de stupéfiants, le fera soigner et tous les deux finiront par filer le fol amour jusqu’à se marier. La réalité jouera les troublions dans cette idylle car son jules est empêtré dans une autre histoire de règlement de compte qui laissera la Bernice, veuve et enceinte. Pas comme dans un conte de fée en fait, sa vie.
De la genèse à la publication de l’œuvre
Aussi pas comme dans un conte de fée. Ce fut un parcours de forçat sans baguette magique pour écarter les obstacles. L’idée d’écrire ce bouquin végétait dans une parcelle du cerveau de la jeune fille depuis plus de quatre ans. « L’élément déclencheur a été un jeune garçon américain que j’ai vu dans un talk show à la télé. Il avait alors quatorze ans et vu son âge je me suis dit que finalement à un jeune âge on peut bien écrire un livre », raconte la jeune romancière. Et l’écriture, elle ne la pratique qu’en prose. Figurez vous qu’elle est aussi rappeuse et titille ses muses dans ses vers. Un morceau qu’elle a fait lors du viral challenge Ikiri ku mutima lancé par le rappeur Nineteenth (19th) lui vaudra une reconnaissance dans le monde musical et le label Sage Wise l’a fait signer sur le coup.
A ses dix huit ans, elle prend l’initiative de prendre son courage par les deux mains et écrire un livre. En réalité elle n’était pas à son premier essai : « J’écrivais souvent, mais pour moi-même. Dans l’intimité de ma chambre, je me raconte des histoires carrément en les écrivant. Sans la prétention, ni la vision de me faire publier. Coucher sur un papier blanc ce que je ressens, vois et pense est comme une thérapie ». L’ascèse finit quand elle décide de partager un récit sur les méfaits du trafic illicite des stupéfiants, un récit «assez alarmant pour le garder pour elle-même ». Dans un monde culturel burundais où les écrivains ça court pas les rues, la demoiselle aux dix-huit balais a naturellement essuyé des critiques décourageantes. « Même les adultes plus expérimentés que toi n’écrivent pas », « même les adultes plus intelligents que toi n’écrivent pas », elle a été bien servie!
Heureusement pour elle, son entourage était à tous soins. Ses parents l’encouragent à foncer. Surtout ses professeurs croient en elle. Joseph Butoyi, président de l’Association des Ecrivains du Burundi et prof à son lycée va jouer les impresarios. C’est lui-même qui va lui chercher une maison d’édition pour la publication. La désormais certifiée en Langues à l’Ecole Internationale de Bujumbura s’attèle sur son deuxième roman. Le sujet ? Elle préfère garder le secret. Entre deux moments d’écriture, cette passionnée de photographie dont un des « rêves les plus fous » est de devenir actrice de cinéma, entretient la flamme de son autre amour, le mannequinat.
Comme Françoise Sagan qui a sorti son Bonjour tristesse à l’âge de Bernice pour avoir une carrière littéraire immense, la burundaise saura-t-elle imiter sa devancière ? Tout le mal qu’on lui souhaite. En attendant la concrétisation d’un accord avec une librairie de la place pour commercialiser son livre, on peut se le procurer, à 15000 Fbu, auprès de l’auteur en la contactant sur sa page Facebook Berry Bernice.
