De retour du Canada, Jackson Quincy Nahayo, jeune médecin de 33 ans, a construit un hôpital à Gasenyi, sur sa colline natale. Opérationnel depuis 2015, la structure de prestation des soins fait face à trois défis : l’eau, l’électricité, et la carte d’assurance maladie. L’esquisse d’un jeune entrepreneur social hors pair.
Pourquoi s’intéresser à lui ? Vendredi 17 juillet, le Président de la République organise une rencontre à l’hôtel Tropitel de Gitega entre hommes d’affaires burundais et hauts cadres des institutions de l’Etat. Jackson* est aussi du nombre. La réunion, comme le révèle le jeune entrepreneur, débouche sur la mise sur pied d’un Comité sans précèdent en charge des questions de développement économique et de lutte contre la pauvreté. « Dans notre agenda, nous allons nous rencontrer régulièrement, définir et formuler à l’Etat quelques propositions autour des grands axes de développement. » C’est toujours au cours de cette rencontre, qu’il sera surnommé « The grassroot entrepreneur » par le Président Ndayishimiye.
Samedi 25 juillet, Jimbere part à la rencontre du jeune médecin sur la colline Gasenyi (commune Buganda, province Cibitoke). Ce jour-là, il n’est pas bien portant. La malaria a également pris rendez-vous. Quand même, il tient à nous recevoir. Même si les parcours des jeunes entrepreneurs sont toujours surprenants, le sien est émouvant, et plein de rebondissements. D’ailleurs, il est prévu un projet d’adapter son histoire sur le grand écran (lire un extrait dans l’encadré ci-bas).
Des défis de taille
Inaugurée en 2016, la clinique Ubuntu possède les standards d’un hôpital : échographie, pédiatrie, chirurgie, cardiologie, etc. Elle aide la population de la localité, et celle venue d’ailleurs. « Par exemple, ici, le prix de l’échographie est à 5.000 Fbu, alors que dans les autres hôpitaux, il dépasse 10 000 Fbu », explique-t-il. Mais ses rêves sont freinés par des facteurs externes auxquels il n’a aucune influence.
« Sur la colline, il n’y avait pas d’électricité. Avec la construction de l’hôpital, j’ai payé pour l’amener ici. Mais le voisinage l’utilise aussi, ce qui fait que la clinique en reçoit une quantité insuffisante. Soit au plus 180 volts, au lieu de 220 volts. Conséquence : nous avons à l’hôpital plusieurs machines à l’arrêt, d’autres endommagées. Une grande perte. Au mois de septembre dernier, nous avons adressé une correspondance de demande d’un transformateur électrique à la Regideso et au Ministère de tutelle. Pas de repose jusqu’à aujourd’hui », commence-t-il.
L’autre défi : l’eau. « Les patients à l’hôpital en ont besoin, de même que le personnel soignant. Un vrai casse-tête. Pour l’instant, on utilise l’eau tirée du puits creusé dans la parcelle, mais face aux besoins, la quantité est également insuffisante. » Enfin, la possibilité pour les patients (les plus démunis) d’utiliser la carte d’assurance maladie à la clinique. « Nous accueillons souvent des malades en état critique, car sans moyens pour se faire soigner, préfèrent se diriger d’abord vers les salles de prières. Sans espoir de guérison, ils sont alors amenés à la clinique. Ce sont ces malades qui nous coûtent chers. De fois, par patient, 500.000 Fbu, ou plus. »
Un SOS vibrant
La structure privée ne bénéficie d’aucun financement extérieur. Difficile donc d’accueillir plus de patients démunis. Le peu de ressources dont elle bénéficie, elle les tire des projets d’agriculture intensive sur dizaine d’hectares, d’élevage et de pisciculture, pilotés toujours par le jeune entrepreneur dans les communes Murwi et Buganda.
« Je me suis lancé dans ces activités avec un double objectif : mener une bataille contre la malnutrition, mais aussi pouvoir financer les dépenses de la clinique. Depuis les premières consultations, on a remarqué que pour la plupart des patients, la malnutrition était la cause derrière leur pathologie car elle affaiblisse le système immunitaire. En travaillant la terre, une partie des récoltes est mise sur le marché, avec des recettes qui se comptent en millions de Fbu, l’autre partagée avec les plus pauvres. Pareil que pour l’élevage et la pisciculture », poursuit-il.
Quand nous sommes arrivés chez Jackson, sa maison, autrefois où était stocké le matériel de la clinique, bien que malade, il a tenu à nous faire visiter la place. Lorsque nous marchions vers les différents services de la clinique et les chambres des malades, c’était extraordinaire de le voir taquiner tout le monde, le personnel, la centaine de patients et garde-malades. La clinique, une famille, sa « raison de vivre ». Pour permettre au rêve de durer, la balle est désormais dans le camp des autorités compétentes.
*Modeste, le protagoniste a voulu que son titre de docteur n’apparaisse pas dans l’article.