Le rêve de la native de Karusi est de voir « le Burundi avoir une identité musicale ». Un pari que cette bio-ingénieure compte concrétiser grâce à sa victoire au concours musical «Isanganiro Award» qu’elle a remporté face aux grands noms de la musique burundaise avec le morceau Iwacu, une ode à la beauté du pays
Aux gorges bien nées, la beauté du timbre de la voix n’attend point le nombre des années. « Bernice the Bell » en est la preuve vivante : 1993, le Burundi connaît les débuts d’une guerre qui durera une décennie. Bernice Irumva, « Bernice the Bell », n’est encore qu’une enfant qui va vers ses trois ans. Sa famille, comme tant d’autres de sa colline natale Rwingoma, a trouvé refuge dans les locaux du Lycée de Buhiga. L’on s’en doute, la vie en condition de déplacés de guerre est loin d’être une dolce vita.
La seule source de joie de la maisonnée est la petite Irumva qui, d’une voix précocement tendre, entonne souvent : « Imana ntizoduheba, Imana ntizoduheba ». Dieu ne nous abandonnera point.
« Mon père pleurait en m’écoutant, même aujourd’hui il est ému quand il se souvient de cette scène », révèle la chanteuse, incapable de retenir quelques larmes qui perlent aux coins des yeux à l’évocation de l’anecdote.
Jouant à l’aise à la guitare, au piano et maniant avec brio les baguettes sur les batteries, la musique est le milieu qui l’a toujours entourée. A commencer par la famille. Son père, mordu de la musique classique est fondateur de plusieurs chorales au sein de l’Eglise Morave et Anglicane. Sa mère, choriste depuis belle lurette, veille sur une fratrie de chanteurs, compositeurs, auteurs et interprètes en herbe. « J’ai toujours été persuadée que ce n’était qu’une question de temps, qu’un membre de ma famille allait se retrouver sur la scène musicale, vu leur passion et leurs talents », glisse-t-elle.
De Buhiga à Bujumbura, parcours d’une battante
Si aujourd’hui elle s’estime facilitée dans l’épanouissement de son art, cela n’a toujours pas été le cas. Sa famille, quoique férue de musique, trouvait qu’à un certain moment la jeune fille frôlait l’excès. Sa mère la raisonnait souvent, elle qui trouvait que sa fille « était trop absente à la maison et que la musique prenait le dessus sur tout, y compris les travaux ménagers ».
Mais rien ne fait régresser d’un iota sa flamme pour les notes. Au contraire, elle s’attise du jour au lendemain. Les études ne sont non plus menacées : elle décrochera un diplôme en bio-ingénierie à l’Université du Burundi.
Aux cotés notamment du chanteur N John Melodica avec qui elle a partagé la vie de novices dans l’industrie musicale, elle ne se lassait pas d’enchaîner des séances de répétitions avec des instruments rudimentaires. « Il y’a des clichés qui nous font rire à chaque fois que nous les revoyons. Avec Melodica et notre petite bande, nous répétions avec des guitares dont les cordes étaient sur le point de lâcher. Nous nous disions ‘Quand nous serons des stars nous dirons que nous avons répété sur un foutu bloc de ciment au milieu de nulle part’ », se souvient-elle dans un éclat de rires.
Rêves qui sont en train de devenir réalité ? Elle acquiesce sans l’ombre d’un doute. Le point de dénouement : avoir été repérée par Edwige Mbonimpa, journaliste et artiste qui affirme que « vu le talent de Bernice the Bell, le Burundi peut espérer avoir trouvé sa Mbilia Bell ».
Depuis, des opportunités de perfectionner son talent se sont multipliées comme les participations à de nombreuses manifestations culturelles. Soucieuse de faire connaître au monde cette jeune talentueuse, la même Mbonimpa mène un vrai combat de lobbying pour décrocher le ticket et frais accessoires pour la participation de Bernice the Bell au prestigieux festival Sica.