Cheveux lisses, bouclés, tressés, … tout y passe pour faire de sa doudouce une petite princesse. Un phénomène à la mode à Bujumbura, et dans les autres grandes les villes. Des pratiques bénignes en apparence, mais en réalité, dangereuses …
« A la naissance, ma petite fille ressemblait tellement à un garçon que j’ai commencé à lui mettre des gros bébés (sorte de tresses) à 6 mois », confie Jocelyne, une maman de la capitale économique qui a fait tresser sa fille dès ses premiers pas. Ce n’est pas la seule à vouloir à tout prix « féminiser » leur petite fille.
Elle a déjà défini d’avance le profil, le look, la démarche, la beauté, le charme que devra avoir sa tendre fille : à trois, quatre ans … il faut qu’elle aille à la piscine, aux jeux … A la récré, les autres enfants s’émerveillent, touchent ses tresses, avec envie. Et la mère qui observe de loin se rengorge, savoure sa victoire sur ses voisines qui n’ont pas assez de « goût » pour martyriser leurs fillettes, au nom de la modernité.
Et pourtant …
Au-delà la beauté se trouve la torture. Lors de la séance de tressage, les enfants, presque encore bébés, au cuir chevelu tout fragile, doivent endurer des heures de douleur que même les grandes dames supportent difficilement. Elles crient, pleurent, crispent la bouche devant le regard furieux et désapprobateur des parents.
Parce que pour ces mères en quête de beauté et de grâce pour leur progéniture, ces pleurs sont de purs caprices enfantins. Elles encouragent les tresseuses à poursuivre, sans répit, leur « Chef-d’œuvre » de correction de la nature … Celles-ci ne se focalisent que sur les billets jaunes de paie. Rencontre avec l’une d’entre elles : « Ecoute, nous, on ne fait que notre travail. Ce n’est pas notre rôle de jouer les nounous. Quand on me donne une petite fille à tresser, qu’elle pleure ou crie ou invoque les anges, cela n’est pas mon souci. Je termine ma tâche, on me paie, je m’en vais ».
L’avis d’un professionnel
« Ugushaza n’ugushinyiriza (la beauté a un prix) », dit-on. Ce genre de dicton fait mention qu’une fille doit souffrir pour se faire belle. Le slogan est bien compris par la plupart des mères des villes. Pourtant, les dérives ne manquent pas.
« Tresser une petite fille peut causer des dommages importants sur son corps et son psychisme. Cela peut même nuire à la croissance de l’enfant », éclaircit Fabrice Ndikumana, consultant psychologue. Pire, explique le spécialiste, celapeut perturber le développement de son cerveau, et des troubles peuvent se traduire par un retard avec les premiers pas de l’enfant et la période de la position assise. Ce qui pourrait aussi dénaturer certains diagnostics de l’état de santé de la fillette. Et d’affirmer que les fillettes qui ont été souvent tressées contre leur gré développent des traumatismes au point qu’elles sursautent ou crient quand quelqu’un touche leur tête.
Valentine, une sexagénaire habitant la zone Ngagara à Bujumbura et qui s’oppose à ce qu’elle qualifie de « torture » n’y va pas par quatre chemins : « Du charme pour une fillette ? Pour quoi faire ? La séduction ou la bonne santé, il faut choisir, ma fille ! »
Un article rédigé par Lydia Kwizera dans le cadre du stage au sein du Magazine Jimbere comme un ancien du programme « Enfants journalistes » de l’UNICEF Burundi.