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« Nappy », ou l’affirmation de l’africanité

De l’Occident à Bujumbura, le cheveu naturel est (re)devenu une tendance. Petit à petit, les cheveux défrisés sont abandonnés pour un look naturel, au nom du «nappy movement ». Mais autour du cheveu, se tissent d’autres aspects que le simple look.

Elles sont de plus en plus nombreuses, les femmes en Afrique qui exhibent fièrement leur chevelure « naturelle ». Au Burundi, cela rappelle les modes des années d’avant l’arrivée du « faux cheveu », et l’ouverture de la multitude de salons de coiffure proposant casques, séchoirs, pinces crabes, plates ou en U pour les chignons… La sirène « nappy » est passée par là, et installe de nouvelles tendances.

Doctorante en sociologie à l’Université de Rennes 2 et chercheuse, Christella Kwizera nous donne une explication de ce mouvement tel qu’il a été défini par la plupart des femmes noires, en France : «Le natural hair movement popularisé dans les pays francophones sous le vocable nappy- acronyme de deux mots anglais : natural and happy (naturelle et fière)-, est cette volonté de garder les cheveux crépus, naturel afro, incarnée dans le mouvement féminin et féministe de promotion d’une esthétique noire ancrée dans une identité noire positive1. »

Identité noire et positive ? Hmm! « Il s’agit d’être fier de son apparence, surtout de la texture de ses cheveux ».

Selon Christella, en France, le mouvement nappy est un condensé de cette affirmation de l’identité noire, « je dois assumer mon apparence et je ne dois pas à avoir me changer pour ressembler aux dictats de la mode occidentale ».

Le mouvement nappy «est aussi le résultat des informations en terme de santé, par exemple, les effets des défrisants chimiques : plus on défrise les cheveux, plus on s’expose aux différentes conséquences capillaires telles que l’alopécie, les brûlures du cuir chevelu, ou d’autres effets sur la santé globale. Bien que des recherches approfondies en cette matière ne soient pas encore faites, cette information circule déjà dans les communautés nappy », souligne-t-elle.

Car au fil du temps, les femmes afro-diasporiques ont constaté l’inadaptabilité, la dangerosité et la cherté des cosmétiques qui leur étaient proposées : « Ce sont ces constats qui ont abouti à l’abandon des routines capillaires chimiques et à l’adoption des pratiques esthétiques plus éthiques ». Ce choix marque l’émergence du mouvement nappy, apparu en 2000 aux États-Unis : «Ses valeurs, une combinaison de la culture afro-américaine et d’un intérêt pour une cosmétique écologique se sont étendues en Occident et en Afrique en passant par les Caraïbes », rappelle Christella.

Selon Christella, ce mouvement permet une résilience esthétique car les femmes redécouvrent leurs différentes textures, une réappropriation d’un pan méconnu de leurs esthétiques. Le caractère identitaire et politique de ce phénomène ne s’est pas départi d’une fédération autour des valeurs cosmétiques communes, incluant la contribution à la protection de l’environnement qu’induit l’utilisation des cosmétiques naturelles : «Si le mouvement nappy tel qu’il est appelé en France, est une affirmation identitaire noire, pour les femmes afro-françaises, en Afrique la dimension raciale ne se pose pas, c’est encore une question de mode ou de découverte pour une minorité des femmes. Il ne faut pas ignorer que la femme africaine a tendance de changer de coiffure tout le temps », martèle-t-elle.

Avec un master 2 en Communication obtenu à l’Institut de Communication à Lyon 2 en 2012, Christella, Kwizera découvre l’entrepreneuriat à travers ses premières expériences professionnelles au Burundi. D’abord comme chargée de marketing d’une entreprise burundaise dans l’artisanat. Ensuite, comme formatrice bénévole en entrepreneuriat auprès des jeunes burundais, sur des projets de développement initiés par Care Burundi International en 2013. Enfin comme assistante au département de la communication au sein du Haut Commissariat des Réfugiés auprès des Nations-Unies (HCR) au Burundi en 2014. Ce parcours a suscité un intérêt pour des modèles économiques soucieux de renforcer les communautés et de préserver l’environnement et les savoirs-faires locaux. Elle se définit comme « féministe africaine »

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