Défi majeur dans les zones rurales du Burundi avec 38% de la population active touchée, l’analphabétisme a des conséquences profondes qui affectent la vie quotidienne des individus. Pour y remédier, ukoondi, un incubateur burundais développe une méthode unique en son genre : apprendre à lire en seulement 10 jours. Une phase pilote du projet a été exécuté dans les provinces de Muramvya, Kayanza et Cankuzo. Le point.
Au Burundi, la pauvreté et le manque d’accès à l’éducation poussent de nombreux enfants à abandonner l’école précocement. Cette réalité est particulièrement exacerbée dans les communautés rurales et les populations vulnérables telles que la minorité Batwa. Ne pas savoir lire limite l’accès aux soins de santé, à l’emploi, et même à la participation aux activités civiques. Les parents analphabètes, comme Rénilde du village Batwa de Muhanga, se retrouvent souvent incapables d’aider leurs enfants dans leurs études, prolongeant ainsi le cycle de pauvreté.
Une méthode accélérée basée sur le kirundi
Le projet « apprendre à lire en (seulement) 10 jours » repose sur une approche novatrice et adaptée aux spécificités linguistiques du kirundi, une langue dotée d’une correspondance claire entre ses graphèmes (symboles écrits) et ses phonèmes (sons). En utilisant des méthodes d’enseignement multi-sensorielles et des outils numériques, le programme offre une formation intensive en lecture tout en réduisant les obstacles liés à l’écriture, souvent plus difficile à maîtriser rapidement.
Pour maximiser l’efficacité de l’apprentissage, chaque participant reçoit un smartphone équipé d’une application conçue pour faciliter l’acquisition des compétences en lecture. Cette application utilise des répétitions espacées et des exercices interactifs pour renforcer la mémoire et améliorer la reconnaissance des lettres et des sons. Les progrès de chaque apprenant sont suivis de manière personnalisée, permettant aux enseignants d’adapter les leçons aux besoins spécifiques de chacun.
L’histoire inspirante de Rénilde
Le parcours de Rénilde illustre parfaitement l’impact de ce programme. Analphabète et mère de trois enfants, elle a rejoint l’initiative d’Ukoondi avec l’espoir de pouvoir un jour aider ses enfants dans leurs études. « Il m’arrivait parfois de rire lorsque ma fille me récitait son alphabet », se souvient-elle. Après seulement 10 jours de formation, Rénilde était capable de lire des textes simples en kirundi. Pour la première fois, elle a pu lire le livre scolaire de sa fille de 6 ans, une réalisation qui a marqué un tournant dans sa vie. » Maintenant, lorsque ma fille me montrera des lettres, je pourrai lui dire que je les connais aussi », raconte-t-elle fièrement.
En seulement quelques mois, le projet a formé 180 adultes dans les trois provinces ciblées, touchant indirectement plus de 1 260 membres de leurs familles et communautés. L’approche communautaire et les partenariats locaux ont joué un rôle clé dans le succès de l’initiative. L’objectif à long terme est d’élargir ce modèle d’alphabétisation rapide pour atteindre d’autres régions du pays et offrir à davantage de Burundais l’opportunité de sortir de l’ombre de l’analphabétisme.
Ukoondi, innover pour un impact social
Le nom « Ukoondi », dérivé du mot kirundi « ukǔndi », signifie « autrement ». Cet incubateur d’innovation sociale explore de nouvelles méthodes pour répondre aux défis du développement au Burundi. Avec le soutien de partenaires tels que l’ambassade des Etats-Unis au Burundi et le programme Exchange Alumni, Ukoondi s’est penché sur l’accès à l’éducation par des approches innovantes et inclusives.
Le projet « apprendre à lire en 10 jours » montre qu’avec une méthodologie adaptée et une utilisation judicieuse des outils numériques, il est possible de faire une réelle différence dans la lutte contre l’analphabétisme. Pour les bénéficiaires comme Rénilde, l’apprentissage de la lecture n’est pas seulement un atout personnel, c’est une transformation qui ouvre la porte à un avenir meilleur pour leurs enfants et leurs communautés.
Grâce à cette initiative, le Burundi fait un pas de plus vers un développement inclusif, où chaque citoyen a la possibilité de s’épanouir et de contribuer activement à la société. C’est une preuve que, même dans les contextes les plus difficiles, il est possible de briser le cycle de l’analphabétisme et d’offrir de nouvelles perspectives aux générations futures.