Tous les 12 juin le monde célèbre la journée de lutte contre le travail des enfants. Une triste réalité qui mine une bonne partie des enfants burundais.
On les voit partout. Dans les cuisines des ménages, dans les cabarets, dans les restaurants, dans les rues et dans bien d’autres endroits où le labeur de leurs frêles bras constitue une main d’œuvre abordable. Ces kadogos adultes avant l’âge sont l’archétype parfait d’un phénomène d’exploitation dont les effets pervers de l’habitude font qu’il soit perçu comme normal, voire même un geste de « solidarité » de la part des employeurs de ces enfants.
Manassé N. la quinzaine en sait quelque chose. Venu de Nyamurenza à Ngozi, il est sous les commandes d’une vieille connaissance de ses parents « qui a bien voulu m’aider après avoir abandonné l’école suite à trois échecs consécutifs cuisants dans une même classe », raconte-t-il. Ayant mis une croix sur l’option école, il a pris la route de Bujumbura pour être au service de cet « ami de la famille ».
Depuis, ses journées sont aussi monotones que dures, pour un garçon de quinze piges. «Le matin je me lève pour chercher les œufs et les arachides chez les grossistes, je les prépare pour qu’ils soient prêts pour la consommation, et les range dans les palettes pour commencer à les vendre dans la rue jusqu’au soir», révèle Manassé avec sa voix enfantine. La chasse au client que le jeune garçon mène dans les rues et buvettes sous un soleil de plomb ou la pluie à verse ne lui rapporte que 20.000 Fbu par mois (un peu plus de 10$), qui peuvent être amputés s’il rentre sans avoir eu le versement quotidien de 2.000 Fbu .
Des chiffres qui font froid au dos
Selon les données recueillies lors de la dernière Enquête Démographique et de Santé, les enfants de 5 à 17 ans, soit 31% de cette partie de la population ayant moins de dix-huit ans exercent des tâches domestiques sur des rythmes que même les adultes ne tiennent pas. Ce qui est considéré comme « dangereux » pour la santé d’un enfant, lequel ne doit pas dépasser un ratio de vingt heures par semaine de labeur. La même enquête révèle une grande disparité selon les provenances. Les enfants issus des milieux ruraux sont plus exposés à ce phénomène que ceux des villes. L’étude montre que seuls 8% des enfants nés dans les milieux urbains sont touchés contre 33% venant des campagnes.
Et les grandes villes sont effectivement les lieux où cette réalité est plus prononcée. L’Unicef et l’Institut des Statistiques et d’Etudes Economiques du Burundi (Isteebu) ont mené une étude sur cette thématique sur quatre grandes agglomérations burundaises à savoir Bujumbura, Gitega, Ngozi et Rumonge. 19.031 cas d’enfants en situation de travailleurs ont été recensés.
Les associations de lutte pour le droit de l’enfant s’en désolent, naturellement. Pour David Ninganza, directeur du centre de protection de l’enfant de la SOJPAE (Solidarité de la Jeunesse Chrétienne pour la Paix et l’Enfance) : « Cette situation va au delà des villes parce qu’il y’a un grand nombre d’enfants qui quittent l’école pour aller travailler dans les champs agricoles ou garder les vaches dans les campagnes ».
Un état des lieux qui peut être éradiqué par une conjugaison d’efforts, selon la SOJPAE : « Le législateur devrait rendre l’école obligatoire, en plus d’être gratuite, mais aussi retoucher le Code du travail qui manque de clarté sur le travail des enfants ».