Si vous demandez à une femme qu’elle a déjà subi un cas d’harcèlement sexuel, à coup sûr, elle vous répondra que ce crime silencieux se normalise dans la société, et que notre culture y est pour quelque chose. Un phénomène plus récurrent dans le secteur de l’hôtellerie-restauration, faisant des serveuses de bar, la proie privilégiée des prédateurs sexuels. L’histoire de Sonia, en est une parfaite illustration.
Dites-vous bien, que pour chaque bouteille que vous descendez, la vie d’une serveuse de bar se meurt, peut-être pas très loin du bar où vous vous trouvez. Dans sa vie, Sonia, native de Gasenyi, visait une autre ambition que devenir un joujou à la merci des ivrognes : elle voulait devenir économiste. Après son diplôme des Humanités générales au Lycée du Lac Tanganyika, tout va basculer.
Là où le soleil disparaît …
Quand elle termine ses études secondaires, la jeune Sonia est aussi craquante de beauté qu’ambitieuse. Voulant construire son avenir et se sevrer financièrement de sa mère, son seul parent encore en vie, elle va décrocher un job dans un des bars les plus branchés de Bujumbura. Pour être embauchée, elle doit avoir du sexe avec son patron, en échange. « Uwukugize rimwe ntaba akumaze », se réconfortait-elle, sauf qu’elle se trompait fortement. Sur ce coup-là, une fois s’est révélée plutôt coutume.
Le cœur gros, une larme à l’œil, les bras croisés, le regard fixé dans le ciel, elle raconte son périple : son patron, de 17 ans son ainé, se proposera de la déposer à la maison chaque jour à la fin du boulot, et c’est là que commence la descente aux enfers. La voiture du patron va se transformer en une scène de crime, son patron la viole presque chaque jour. Plutôt que perdre son job, la jeune fille, impuissante choisit d’accepter son sort. La résignation à la burundaise, ça vous dit ?
On ne se fait jamais au vice
Entre son patron dont elle a fini par être une maîtresse, les clients qui la complimentent sur son physique envoûtant, et qui profitent pour la tapoter, Sonia a fini par docilement apprivoiser cette condition de vulnérabilité désormais sienne. Son patron, prédateur doublé de proxénète l’a même sommé d’avoir des relations sexuelles avec un client, et l’a menacé de la chasser si elle le dénonce. Aujourd’hui, Sonia est enceinte d’une grossesse dont elle ne connait pas vraiment l’auteur. Comble de malheur, elle est séropositive, délaissée par la famille dans le dénuement total, elle vit chez une cousine, à Ngagara.
Sonia doit trainer avec elle désormais la mauvaise réputation d’être une prostituée alors que le fait de se chercher un job, témoigne de sa volonté de se chercher comment se crée un avenir sûr. Aujourd’hui tout est tombé à l’eau et son cas n’est pas du tout isolé.
A toutes fins utiles, rappelons que le code pénal burundais prévoit une amende qui s’étend (de 100 000 Fbu à 500 000 Fbu) aux peines d’un mois à deux ans de prison pour harcèlement sexuel. La punition double si la victime est âgée de moins de 18 ans.
Par ailleurs, à part le préjudice moral qu’il pose, le harcèlement sexuel en milieu de travail a des effets très déplaisants sur la santé mentale de la victime comme l’anxiété, le stress, la fatigue, la dépression, et les troubles de stress post-traumatique capables de nuire à la productivité du concerné.