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Reconstruction du marché central de Bujumbura : entre espoirs et doutes

11 ans après l’incendie du marché central de Bujumbura, ce joyau qui participait à hauteur de 20% du PIB, n’est que ruines. D’aucuns se demandent à quand sa reconstruction. Le Ministre en charge des infrastructures parle de l’existence d’un plan mais un économiste exige sérieux et transparence…

Entre les deux parkings des bus allant dans les deux pôles de la ville de Bujumbura, l’ancien marché central offre l’image d’un endroit pitoyable et abandonné. En passant près du parking des bus desservant le sud de la ville, des tas des déchets en carton et plastique sont observables de l’extérieur avec une odeur étrange au fur et à mesure qu’on s’approche des lieux.

À l’intérieur de cette vaste étendue, d’en haut on voit les restes des tôles tranchées en pièces qui sont suspendus sur les restes des charpentes sérieusement rouillés. L’enchevêtrement des arbres multi espèce naturels ont poussé en compétition, faisant du terrain une véritable brousse au cœur de la capitale économique du Burundi. Seuls les murailles qui font le contour de cet ancien marché sont encore intactes aux goutes d’eau qui les imbibent, depuis plus d’une décennie.

Côté finance, il va de soi que cet ancien poumon économique du Burundi ne génère plus de recettes pour le Trésor Public. Seuls les propriétaires des lieux d’aisance encore fonctionnels semblent tirer leur épingle du jeu. Il faut dire que l’incendie du premier grenier du pays n’a pas dépouillé l’état et les commerçants seulement, il a plutôt sonné le glas de toute la chaîne des valeurs des activités de l’époque.

Trouvé dans un groupe de jeunes, la trentaine, assis sur les grosses pierres à-côté des piliers de l’ex marché, sous un soleil accablant, Eric Ndikuriyo, portefaix vétéran de cette localité témoigne : «  Je me souviens qu’avant que le marché central ne brûle, je pouvais me lamenter si je rentrais avec moins de 30 miles par jour. Vous imaginez cette somme à cette époque ? » De gros véhicules pleins de bagages débarquaient quotidiennement, se rappelle-t-il encore : « J’avais du boulot tout le temps. »

Quid de l’impact sur l’économie

Tout s’est écroulé le jour de l’incendie lâche-t-il : « Comme tu nous vois ici, personne ne travaille comme il faut. Tout a changé. Et c’est à peine si nous parvenons à gagner de quoi nourrir nos familles. »

A côté de ce témoignage, cet incendie a impacté la vie de plus ou moins 5000 commerçants selon le rapport de la coalition des syndicats du Burundi (COSYBU), sans compter les bénéficiaires indirects tels les employés des magasins qui ont été contraints au chômage, les ouvriers dont ces portefaix qui déchargeaient les bagages, etc. Selon Donatien Bihute, expert en économie, 20% du PIB (Produits intérieur Brut) de l’époque étaient constitués des  recettes du seul marché Central de Bujumbura.

Beaucoup se demandent à quand la reconstruction puisqu’onze ans après, rien ne semble bouger. C.N, une maman rencontrée au parking s’étonne : « Moi je n’arrive pas à le croire. Cela fait 11 ans que ce marché a brulé mais entretemps d’autres marchés qui ont connu le même sort ont été reconstruits sauf celui-ci. » Et de citer le cas de celui de Kamenge dont la campagne de collecte des fonds pour sa reconstruction a démarré en moins de deux jours au lendemain de son incendie : « Que-ce-qui a réellement manqué pour faire de même pour ce grand marché qui était pourvoyeur d’énormes recettes ? »

A ces interrogations, Dieudonné Dukundane, Ministre des infrastructures publiques, lors de la conférence de presse qu’il tenait ce 31 janvier, a annoncé l’existence du plan du nouveau marché central de Bujumbura : « Il ne reste qu’à le soumettre à la hiérarchie pour l’étude de faisabilité. » En outre, a indiqué le Ministre, les sociétés qui avaient manifesté leur intérêt pour la construction de ce marché sont encore les bienvenues.

Certes cette annonce du Ministre en charge des infrastructures est à saluer mais des annonces du genre sont faites depuis 2014 et rien ne semble se produire.

Entre espoirs et illusions

Pour rappel, en 2021, un dossier a été analysé par le conseil des ministres où il était question de construire sur l’ancienne place du marché central un centre commercial gigantesque de 5 niveaux avec un parking souterrain pouvant loger plus de 500 voitures. La société chinoise Jiangxi Jianglian International Engineering avait gagné le marché. Une année avant, des manifestations d’intérêt des banques et des établissements financiers (ABEF) avaient été analysées et agréés par le conseil des ministres en 2020, personne ne les a entendus parler par après.

Ce qui pousse au Professeur Gilbert Niyongabo, enseignant à l’Université du Burundi en faculté d’économie, à se demander s’il s’agit d’un problème de lenteur ou d’incompétences des fonctionnaires ou le manque des ressources humaines ou financières. »

A cela s’ajoute la problématique de la capacité d’absorber les ressources en provenance des partenaires au développement, confie l’expert. Et de donner l’exemple de l’exploitation du Nickel de Musongati, la construction des barrages et tant d’autres grands projets qui traînent en réalisations : « Tous ces facteurs nous pénalisent car nous ne parvenons pas à bien gérer les fonds mis à notre disposition et les délais d’exécution s’épuisent sans rien réaliser. »

Concernant la reconstruction du marché central de Bujumbura, l’expert suggère que des études de faisabilité soient menées d’une façon sérieuse et transparente et cela passe par l’octroi des marchés publics ouvert à tout investisseur capable et non une affaire de quelques privilégiés : « Ceci permettrait d’accélérer l’exécution des projets de grande taille. »

Article rédigé par Elysée Niyontoranwa, étudiant de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines du Département de Journalisme et Communication à l’Université du Burundi, en stage au sein du Magazine Jimbere.

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