Surprises en train de voler des avocats à l’intérieur de l’établissement, dans la nuit du 21 septembre 2024, 7 élèves du Lycée Busiga en province Ngozi ont été renvoyées définitivement 48h plus tard par le Conseil de direction. Une décision qui passe mal…
Loin de faire l’apologie du comportement, certes condamnable de ces 7 filles dont deux sont finalistes en section Langues et quatre étudiaient en deuxième année de la section pédagogique et une autre en deuxième année de la section Bio-Chimie, il sied de rappeler simplement que les conditions de vie des élèves internes dans les écoles au Burundi ne sont pas toujours satisfaisantes.
Ces jeunes sont nourris à 1200 Fbu par jour. Ils éprouvent donc des difficultés de manger à leur faim. Des fois ils sont obligés d’ajouter l’avocat ou tout autre fruit à leur portée, à leur assiette afin de se nourrir convenablement.
Après leur crime, le conseil de direction s’est réuni en session extraordinaire après 48 heures afin de statuer sur ce cas de vol. Les présumées elles – mêmes ont plaidé coupable et avoué avoir tenté de corrompre les veilleurs et les encadreuses.
Et la décision est tombée comme un couperet : renvoi définitif et privation d’une admission dans aucun établissement pour l’année scolaire 2024-2025. Pour le conseil, l’école étant un lieu de socialisation, certaines fautes ne peuvent pas rester impunies.
Une mesure disproportionnée
Dès l’annonce de ce renvoi, Emmanuel Mashandari, représentant légal du syndicat CONAPES, a dénoncé cette décision. Pour lui, il est injuste de sanctionner ces lycéennes de cette manière s’il n’existe pas d’autres fautes aggravantes
Quant à, une organisation de défense des droits humains, elle a déposé, le 25 Octobre 2024, un recours auprès du ministère en charge de l’éducation pour demander l’annulation de la décision du Conseil de Direction du Lycée de Busiga.
De plus, l’organisation dénonce l’accusation de tentative de corruption car l’école n’a été fournie aucune, jugeant impossible que 7 élèves issues de classes différentes se soient concertées pour corrompre en même temps les veilleurs et les encadreuses.
Bien plus, ACOPA-BURUNDI, l’action posée par ces élèves ne peut en aucun cas être considéré comme un vol : « La cueillette de fruits par des élèves au sein de leur établissement ne peut pas constituer une faute punissable d’une sanction aussi lourde que le renvoi définitif. »
Et de demandes l’intervention du ministère pour annuler cette décision injuste du Conseil de Direction du Lycée de Busiga et permettre aux 7 jeunes filles de continuer leurs études et les protéger contre les risques de violences basées sur le genre liées à leur privation d’éducation.
Contacté, Parfait Nkunzimana, Directeur Communal de L’Education de Busiga, juge la décision prise conforme à l’Ordonnance Ministérielle N°620/1078 du 19 Juin 2020 portant révision du règlement scolaire, notamment l’article 35 alinéas 14 et 21.
Divergence d’interprétation du règlement scolaire
Mais pour Pierre Nkurikiye, doctorant en Sciences juridiques, même si le conseil de direction du Lycée Busiga a invoqué cet article du Règlement scolaire pour justifier le renvoi définitif des ces 7 élèves, ces alinéas ne semblent pas applicables aux élèves internes, qui sont plutôt régis par les dispositions particulières des articles 49 à 69 du même règlement.
Selon lui, les faits reprochés aux élèves (tentative de corruption et vol d’avocats) ne constituent pas à proprement parler des actes de vol ou de corruption au sens du règlement scolaire. «C’est plutôt un simple maraudage ». « C’est l’article 56 du même Règlement scolaire qui devrait être invoqué et qui prévoit le renvoi et la non-admission dans un aucun autre établissement pour l’année scolaire en cours, sanctionnant la sortie nocturne après extinction des feux, fait qui n’a pas été retenu par le conseil», poursuit-il
Enfin, M. Nkurikiye estime que « la DCE Busiga aurait dû annuler la décision illégale du conseil de direction du Lycée Busiga, puis demander à ce conseil d’appliquer la disposition correcte du Règlement scolaire qui est l’article 56». Ces 7 élèves ont été renvoyées illégalement, non pas parce qu’elles n’auraient pas violé le Règlement scolaire, mais parce que le conseil de direction a appliqué la mauvaise disposition du règlement ». Il suggère au conseil de direction de revoir sa décision pour la conformer à la loi, afin d’éviter d’éventuels dommages.
Une décision qui viole le droit de l’enfant
Même son de cloche chez le Dr Alexis Manirakiza, Professeur à l’Université du Burundi à la faculté de Droits, cette décision va à l’encontre de l’intérêt supérieur des enfants, conformément à l’article 3 de la Convention sur les droits de l’enfant ratifiée par le Burundi. D’autres formes de sanction devraient être envisagées.
selon cet article, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociales, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.
Cet article a été rédigé par Evariste Niyonkuru dans le cadre de son stage professionnel au sein de Magazine Jimbere