Actuellement étalé sur 560 hectares, le périmètre du palais présidentiel sera prochainement réduit afin d’en dégager un terrain à viabiliser conformément à la Vision 2040-2060. Un expert du foncier recommande une planification rigoureuse.
Le domaine dans lequel est érigée la fameuse Ntare House connaitra bientôt une nouvelle délimitation. L’annonce a été faite par Evariste Ndayishimiye, Président de la République du Burundi lors de l’émission publique du 27 décembre dernier. Pour rappel, le domaine était passé de 200 hectares en 2016 à 560 hectares, 15 ares et 94 centiares en 2022.
Pour exécuter l’ordre du Président, une délégation composée des membres du Ministère en charge des infrastructures, celui de l’intérieur et une équipe venue de la présidence, a effectué une descente sur les lieux pour annoncer une imminente réduction de cet espace.
Confusion au sein de la population
Lors de cette rencontre, Egide Nijimbere, secrétaire permanent du Ministère des infrastructures, a annoncé plusieurs nouveautés : dans un mois, la délimitation du domaine présidentiel sera finalisée. Par la suite, un autre domaine, situé en dehors de cette délimitation, sera viabilisé afin de répondre aux exigences de la Vision 2040-2060. En outre, a-t-il précisé, seuls les propriétaires dont les parcelles se trouvent dans le domaine présidentiel seront indemnisés.
Cette annonce, bien que non officielle, intervient après plusieurs années d’expropriation durant lesquelles la population a attendu en vain le versement des indemnités.
Il est important de souligner que cette situation a privé les propriétaires de leurs droits d’exploitation, notamment en matière de construction.
Un sexagénaire, résidant au-delà de la rivière Gasenyi, exprime son inquiétude face à l’instabilité des décrets affectant leurs terrains. « Comment puis-je exploiter ma parcelle de plus de 10 ares selon les exigences de la Vision 2040-2060, alors que je fais face à une situation financière précaire ? » s’interroge-t-il.
Il déplore également le fait que, malgré l’interdiction de toute exploitation de leurs propriétés, les indemnités ne leur ont toujours pas été versées.
Un manque de planification

Face aux changements annoncés, Emery Nukuri, expert foncier, note une absence de planification qui risque d’avoir de graves conséquences : « La délimitation du palais a été caractérisée par, à mon avis, une absence de planification et des décisions hésitantes. »
D’abord, explique-t-il, on a délimité le palais à 40 hectares et on a versé les indemnisations. Ensuite, on a ajouté 160 hectares sur le site de Gasenyi, puis 225 hectares pour finalement arriver à 560 hectares : « Vous conviendrez avec moi qu’il y a un problème de planification. »
Pour l’expert, le fait que le Président ait décidé une nouvelle délimitation, est peut-être une bonne chose. « Il faudra que la question soit étudiée avec sagesse, sérieux, et une bonne planification pour qu’on ait enfin une délimitation claire et exacte du palais, pour qu’enfin la population puisse être fixée sur son sort. »
Cela impliquerait également la prévision préalable des indemnisations, comme l’indique ce professeur d’université : « Nous sommes dans le système du budget-programme. Ça veut dire que quand on projette de faire une expropriation, on projette aussi dans le budget le montant prévu pour les indemnisations. Or, les indemnisations n’ont pas été programmées dans le passé. »
Ainsi, l’expert fait remarquer que si l’on doit faire une expropriation telle année, on doit avoir prévu le budget à cet effet. Et pour prévoir le budget, il faut savoir la superficie exacte qu’on va exproprier, le nombre de personnes qu’on va exproprier et le montant que chaque personne va recevoir, selon le code foncier du Burundi de 2000, à l’article 411, qu’il doit y avoir une indemnisation juste et préalable.
M. Nukuri trouve que la nouvelle délimitation devrait coïncider avec la prévision du budget alloué aux indemnités dans le budget 2025-2026.
Nécessité d’une juste mesure
Concernant la viabilisation des zones environnantes à la présidence qui suscite des inquiétudes parmi les propriétaires, soutenir cette initiative est tout à fait judicieux indique le professeur Nukuri : « Nous avons une ville de taille modeste, et il est essentiel de disposer de parcelles. Je ne pense pas, par exemple, que l’État puisse délimiter 500 hectares en déclarant qu’il n’y aura rien. »
Et concernant l’exploitation des terres, rappelle l’expert, l’État a non seulement la prérogative d’exproprier les citoyens, mais également le devoir de les protéger. L’expert souligne plusieurs options disponibles pour l’État dans ce processus, tout en mettant l’accent sur ce qu’il appelle l’expropriation par intégration. Cela signifie que « l’État peut choisir de construire des édifices de plusieurs niveaux, par exemple jusqu’à dix étages, tandis que le propriétaire de la parcelle pourrait se voir attribuer un appartement au sein de cette construction. »
De plus, l’expert indique que l’État pourrait viabiliser les terrains et offrir aux propriétaires incapables de construire la possibilité de vendre leurs parcelles à ceux qui en ont les moyens. Toutefois, la solution la plus judicieuse serait de garantir non seulement le versement des indemnités, mais aussi d’adopter une approche qui intègre la population dans ce processus.
